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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/77

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ment tout est vrai, et Dieu est innocent. Je me permets ces remarques, qui ne sont point dans Platon, mais qu’il nous invite à faire lorsqu’il compare nos connaissances immédiates à des ombres : car toute ombre est vraie ; mais on ne peut savoir en quoi elle est vraie que si l’on connaît la chose dont elle est l’ombre. Il y a une infinité d’ombres du même cube, toutes vraies. Mais qui, réduit à l’ombre, borné là, attaché là, pourra comprendre que ces apparences sont apparences d’un même être ? L’ombre d’une équerre sera quelquefois une ligne mince. L’ombre d’un œuf sera quelquefois ronde. C’est de la même manière qu’un ballon qui s’élève dans l’air, ou un liège qui s’élève dans l’eau, semblent tout à fait différents d’une pierre qui tombe. Mieux, la pierre qui s’élève et la pierre qui tombe, n’est-ce pas le même mouvement uniforme qui se continue, joint au même mouvement accéléré qui se continue ? Ces exemples étaient mal connus des anciens, et sans doute aussi de Platon. Le miracle est ici qu’on n’a point trop de toute notre science, et de ses plus profondes subtilités même,