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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/79

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œuvres qui visent d’abord à nous éveiller. Et cette impossibilité que l’erreur soit n’a plus d’effet si l’on rassemble, comme il faut faire, les ombres et les idées. Car les idées ne changent point les ombres ; mais plutôt par les idées on comprend que les ombres sont vraies, qu’il n’y a point à les changer, et, pour citer une grande parole de Hegel, que ce monde nous apparaît justement comme il doit. Mais c’est le sophiste qui manque au monde. C’est le sophiste qui ne veut point que l’apparence soit vraie. Les degrés du savoir, pour dire autrement, ne sont point entre des objets, les uns, qui sont idées, se montrant comme au-dessus des autres. Dans le fait il ne manque rien aux autres, aux apparences, que la réflexion de l’esprit sur ce qu’il pense en elles. Le sophiste perçoit un cube comme nous le percevons ; mais il ne veut pas penser qu’il le pense. Ainsi, cherchant l’idée séparée, il ne lui trouve point d’objet ; et, pensant l’objet séparé, il n’en trouve point d’idée. Rien n’est pour lui ; tout est faux. Mais rien n’est faux. On aperçoit que le salut de notre pensée n’est