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Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/80

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pas loin de nous. Autant faudra-t-il dire, en termes plus émouvants, du salut de notre âme. Mais qu’un long détour, et une sorte de voyage à travers le discours, soit ici nécessaire, nous devrions le savoir mieux que Platon ; et, au contraire, il semble que le soleil de cet heureux temps soit de jour en jour plus loin de nous et plus étranger. Patience ; tout sera expliqué, et par Platon lui-même. Ces préliminaires sont pour faire attendre la plus fine, la plus achevée, la plus profonde des leçons que l’homme ait reçue de l’homme. On jugera si c’est trop dire.

Nous sommes donc semblables à des captifs, nous qui recevons ainsi le vrai à la surface de nos sens, à des captifs qui seraient enchaînés, le dos tourné à la lumière, et condamnés à ne voir que le mur de la caverne sur lequel des ombres passent. Et décrivons d’abord ce monde des captifs et cette vie des captifs en cette cave, supposant qu’ils parlent entre eux ; et n’oublions pas aussi que ces ombres leur apportent plaisir, douleur, maladie, mort, guérison. On aperçoit que le plus grand intérêt de ces captifs est de recon-