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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/264

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DES CÉRÉMONIES

CHAPITRE IV

DU CULTE


Je suis bien éloigné de croire que le culte ait pour objet ou pour effet d’exalter la puissance mystique de l’esprit. Tout au contraire les règles du culte apaisent toutes les passions et toutes les émotions en disciplinant les mouvements. L’attitude de la prière est justement celle qui permet le moins les mouvements vifs, et qui délivre le mieux les poumons et, par ce moyen, le cœur. La formule de la prière est propre aussi à empêcher les écarts de pensée en portant l’attention sur la lettre même ; et je ne m’étonne point que l’église redoute tant les changements les plus simples ; une longue expérience a fait voir, comme il est évident par les causes, que la paix de l’âme suppose que l’on prie des lèvres et sans hésiter, ce qui exige qu’il n’y ait point deux manières de dire ; et la coutume du chapelet, qui occupe en même temps les mains, est sans doute ce que la médecine mentale a trouvé de mieux contre les soucis et les peines, et contre ce manège de l’imagination qui tourne autour. Dans les moments difficiles, et lorsqu’il faut attendre, le mieux est de ne pas penser, et le culte y conduit adroitement sans aucun de ces conseils qui irritent ou mettent en défiance. Tout est réglé de façon qu’en même temps qu’on offre ses peines à Dieu pour lui demander conseil ou assistance, on cesse justement de penser à ses peines ; en sorte qu’il n’est point de prière, faite selon les rites, qui n’apporte aussitôt un soulagement. Cet effet, tout physique et mécanique, a bien plus de puissance que ces promesses d’une autre vie et d’une justice finale, qui sont plutôt, il me semble, des prétextes pour ceux qui se trouvent consolés sans savoir comment. Personne ne veut être