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Page:Alain - Quatre-vingt-un chapitres sur l'esprit et les passions, 1921.djvu/266

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des cérémonies

de délire fétichiste ; car les dieux sont tout près de nous ; on les voit, on les entend, on les touche. Chacun connaît la folie des spirites, mais on imagine à peine jusqu’où elle pourrait aller si les assemblées étaient plus nombreuses ; et je reconnais une religion sans docteurs dans cet enthousiasme sans règle pour la justice, pour le droit et pour la patrie ; cette religion, la plus jeune de toutes, manque trop de cérémonies et de théologiens. Contre tous ces excès, l’église théologienne exerce une pression modératrice. Les Dieux des anciens étaient sentis aussi dans l’amour, dans la colère, dans le sommeil, dans les rêves, enfin dans tous les changements du corps ; mais les passions n’en couraient que mieux, non que le culte manquât toujours de décence, mais surtout parce que la théologie était d’imagination seulement ; ainsi le Dieu gâtait l’œuvre du prêtre. Au lieu que tout l’effort de l’église est contre les miracles, quoiqu’elle ne les nie pas ; il est toujours assez clair qu’elle s’en défie pour le présent, assez forte de ses cérémonies. Tenir une réunion d’hommes qui ne cassent rien, c’est déjà assez beau.