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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/120

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

qu’au contraire il la suit ; car la foule qui attend ne sait pas ce qu’elle pense ; tout s’y contrarie, par la confusion des ripostes et des exclamations, par le mauvais emploi des mots, par les méprises qui viennent du mauvais ton et de la fatigue. Tout l’art de l’orateur politique est d’orienter ces passions tâtonnantes. Chacun se dit en sortant de là : « Voilà bien ce que je pensais. » On voit par là que dans tout progrès en raison il y a toujours un peu de persuasion qui monte vers la pensée comme un applaudissement, car il ne se peut point que l’homme n’ait pas de passions et que l’âme en travail ne se retrouve pas dans le vrai. Le difficile est de ne pas prendre la récompense comme une preuve. Et c’est à quoi la vraie prose s’applique, sans pouvoir jamais se délivrer tout à fait de l’éloquence.