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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/121

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CHAPITRE XII

DES GENRES D’ÉLOQUENCE

Les genres de l’éloquence ressemblent aux genres de la poésie avec cette différence que, dans tous les genres, la poésie se passe mieux du cérémonial et garde ainsi mieux son prix hors des circonstances. En revanche le cérémonial strict des tribunaux permet à l’éloquence de descendre aux petites choses, d’où le genre judiciaire, qui plaît par les mouvements généreux et impartiaux qui anoblissent les revendications. Les intérêts et les passions sont relevés par les arguments et le ton, et l’avocat n’a certes point de peine à modérer ses passions. Il faut remarquer que, dans les procès civils tout au moins, le magistrat jugerait aussi bien sur pièces ; l’éloquence des avocats n’est que pour le public et surtout pour les plaideurs ; car toute revendication veut prendre la forme du droit, c’est l’excuse du plaideur ; aussi semble-t-il toujours que les parties disputent dans l’intérêt de tous ; au reste quand il n’y a point une apparence de droit des deux côtés, il n’y a point de procès possible. Aussi le public et même les plaideurs veulent-ils que la cause soit ainsi éclairée et des deux côtés ; car le plaideur veut avoir raison, ce qui suppose que les raisons de l’autre soient aussi examinées. Mais le vrai artiste dépasse encore l’at-