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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/188

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CHAPITRE X

LA VÉRITÉ DES PASSIONS

On peut prendre les passions comme des forces dévastatrices, en soi-même et chez les autres, dévastatrices par ce jugement qui s’y met et qui se conforme à leurs signes et à leurs présages. C’est la vérité des passions, mais descriptive seulement. L’esprit contemplatif, traduit ici par le chœur, se borne à reconnaître la puissance des causes extérieures et la faiblesse de l’homme ; et toutes les déclamations tragiques en reviennent là ; ce sont de tristes débats entre un signe et un signe, interrompus parfois par un désir ou un regret vers une vie plus libre dont on se trouve exilé et chassé ; ainsi l’esprit s’enfuit avec les passions, en lançant des imprécations inutiles. Aussi le poison et le poignard ne sont ici que des symboles ; la mort est partout dans les pensées, et même appelée et désirée, quoique le subtil esprit d’Hamlet, promu chef d’armée et de vengeance, ne soit pas encore bien sûr que la mort délivre ; vue profonde, car l’esprit veut son malheur, en somme, et, par des pensées et par des rêves, le refera tout, s’il survit seulement. Telle est la tragédie. Malheur sans remède, par l’esprit, mais grand par l’esprit. Esprit captif des serments. Les poètes tragiques ont décrit cette course, et les signes orageux qui l’éclairent. Le comique re-