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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/208

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CHAPITRE III

DES FORMES

Le paraphe d’un maître d’écriture n'est point beau. Peut-être faut-il dire qu’un ornement libre n’est jamais beau, ni un ornement cherché. Au contraire on trouve aisément de la beauté dans la masse et dans les arceaux d’un aqueduc, strictement réglés par les matériaux et par la fin poursuivie. Il est remarquable qu’un homme de goût et d’ailleurs adroit ne puisse jamais trouver une belle forme, quand il essaierait mille fois, à moins d’imiter les objets réels ou les vieux modèles. D’où l’on conclurait trop vite que le beau est dans les formes naturelles ou imposées ; ce n’est pas si simple, car toutes les choses et toutes les œuvres ne sont pas également belles. Toujours est-il qu’il y a une dangereuse liberté dans les œuvres de la peinture, du dessin, et surtout de la simple prose, et qui fait voir par les résultats ce que peut créer l’imagination errante. La puissance de l’architecture vient sans doute de ce que ses œuvres sont toujours régies par la pesanteur et par les nécessités du climat, ce qui donne une matière et une prise à l’action humaine. Et cela s’accorde avec les principes, car c’est lorsque l’obstacle est réduit au mécanisme pur que la liberté humaine s’exerce le mieux, au lieu que la libre invention ne fait voir en réalité que le désordre des passions, et l’homme petit.