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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/209

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DES FORMES

Le jardinier ne fait point tout ce qu’il voudrait ; les distances entre les arbres, ou d’un rosier à l’autre, la disposition des plantes selon l’air et le soleil, résistent aux fantaisies du décorateur. L’art des bouquets et des guirlandes est moins soutenu, parce qu’il trouve bien moins d’obstacles ; un bouquet enfin est à peine quelque chose. Au contraire l’œuvre de l’architecte s’affirme avec force, par tous ces liens de nécessité qui veulent ici des contreforts et là des gargouilles ; et, ce qu’il faut surtout remarquer, c’est que le vrai architecte ne dissimule jamais ces contraintes ; et le propre du génie est sans doute de les accepter sans aucun mensonge. Ainsi ces édifices fortement appuyés sur la terre enferment plus d’une bonne leçon. C’est pourquoi il est bon de reconnaître que les heureuses proportions des colonnes grecques furent prises des troncs d’arbres que les colonnes remplacèrent, et que l’ogive n’est en un sens qu’un expédient de maçon. De même ces toits pointus que l’on admire dans les vieilles maisons furent disposés selon la pluie, le vent et les matériaux. Et sans doute, par le progrès des transports et de l’industrie, y a-t-il trop de liberté, ou, pour mieux dire, de fantaisie dans les maisons neuves, où l’architecte règle les matériaux qu’il emploie d’après l’idée qu’il a ; aussi son idée est toujours trop visible, abstraite et pauvre. À la surface de l’objet, non enracinée. L’ornement ne s’y incorpore point. Une vieille maison a bien plus de force affirmative, jusqu’à imposer des ornements assez grossiers. La sculpture, tant qu’elle n’est qu’ornement n’est pas tenue d’avoir sa beauté propre, mais il faut qu’elle soit prise dans la masse ; beaucoup préfèrent aux plus belles statues les simples lignes de cette beauté prisonnière. Ces naïves figures, séparées, seraient laides ; mais elles sont tenues par l’édifice ; aussi voit-on qu’elles ont d’autant plus d’expression qu’elles s’avancent moins ; et le temps, qui les efface presque et les ramène encore mieux à la forme générale, achève ce genre de perfection. Sans doute le bas-relief et les figures des médailles, qui