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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/210

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

appartiennent à l’architecture, furent d’abord l’œuvre du temps. Et il est vrai que le temps orne les beaux édifices, en dénudant la forme durable, et offre ainsi ces beaux modèles, hors desquels l’art architectural ne peut rien. Le génie humain n’a donc qu’à reconnaître ici le beau de ses propres œuvres. Même les vieilles maisons subissent par le poids des années un tassement qui offre de belles lignes et la forme utile en même temps. C’est par là que le scrupule de l’artisan égale le génie. Les maisons des paysans, j’entends celles qui durent, se joignent ainsi à la terre comme des choses de nature, où le travail de l’homme néanmoins se reconnaît. Ainsi l’usage, l’imitation, l’action même du temps ont fixé les formes, ce qui explique assez que l’architecture populaire l’emporte de si loin sur l’autre. Et aucun art ne réduit plus sévèrement les caprices d’imagination. Michel-Ange disait qu’il n’y a point de grand artiste sans quelque pratique de l’architecture. Obscure et profonde pensée. Car il est vrai, premièrement, que l’architecture porte et règle deux des arts principaux qui vont suivre, la sculpture et la peinture, par l’art de l’ornement qui les domine tous les deux. Mais deuxièmement il est vrai aussi, quoique plus caché, que les formes sans matière en tout art sont laides, et qu’enfin l’action, comme la pensée, doit se tenir tout près de la chose. Rien ne l’enseigne mieux que ce mouvement des piliers massifs qui ramène toujours la pensée vers la terre. Sous ces voûtes la pensée trouve son mouvement vrai, toujours s’élevant et toujours ramenée.