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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/394

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NOTES

paraît nullement plus grosse. Nous croyons qu’elle paraît plus grosse.

III

Sur le Livre II et spécialement sur la danse.

Il s’en faut de beaucoup que ce livre-ci ait l’ampleur convenable, et que l’existence collective y soit considérée. Mais, comme il ne faut point raturer témérairement, je me contente de trois remarques. Il fallait premièrement distinguer mieux le jeu et l’art, qui, dans le mouvement, sont souvent mêlés. La guerre est proprement un jeu, par la puissance qui surmonte, et aussi par l’esprit de combinaison ; mais la guerre n’est point esthétique parce qu’elle n’est nullement spectacle. Au contraire les revues militaires et les fêtes triomphales participent du beau ; elles sont représentation, signe, langage. Le jeu de ballon, de même que la guerre, ne représente rien ; mais une fête, au contraire, se représente à elle-même, et souvent n’est rien de plus que la signification de la fête, par tous et en même temps pour tous. Toutefois la fête diffuse n’a pas encore le caractère esthétique ; il lui manque d’être objet. Les fêtes les plus anciennes sont objet par ceci, qu’elles représentent les événements de la nature et de l’histoire. Elles sont théâtrales en ce sens. Il faut penser ici aux fêtes du printemps et des moissons ainsi qu’aux anciennes tragédies, ou encore à la messe solennelle. La cérémonie, le cortège et la danse font ici l’objet. L’idée de fête enveloppe donc les trois autres, et par là éclaire les arts en mouvement, et sans doute tous les autres. La danse n’est qu’un jeu si elle n’est que spectacle. Mais aussi la danse est action. On saisirait l’essentiel de la danse si on la prenait comme fête nue, c’est-à-dire comme échange de signes absolument. Le moment caractéristique de la danse est celui du premier langage, où, à bien regarder, on comprend ce que l’on exprime, en comprenant seulement que l’autre comprend. Danser est un échange de mouvements imités, qui deviennent signes par ceci qu’ils se correspondent. Le rythme se rencontre en toute action concertée, comme de ramer ou de tirer sur un câble. Il devient esthétique dans la danse par ceci, que l’action rythmée passe à l’état de pur spectacle sans cesser pourtant d’être action. Chacun danse devant l’autre et pour l’autre. La danse est Le premier miroir. Si l’on observe la Dérobée des Bretons, on remarque une ressemblance des visages et une beauté en tous, par cette scrupuleuse attention ; en sorte qu’il y a de l’immobile en ce mouvement mesuré. Cette danse est architecturale et solide, déjà frise et ornement. Immobile comme ces grandes musiques, qui ne périssent point d’instant en instant, mais au contraire, en cette épreuve de la succession, se montrent durables par la constance signifiée dans le change-