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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/395

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NOTES

ment même. Ainsi la vraie musique, comme la vraie danse, s’oppose au temps dans le temps même, et représente le temps sous l’aspect de l’éternité. Retenons seulement que la danse est société, et que le style de la sculpture doit quelque chose à la danse. Il est clair, par opposition, que le style de la peinture doit beaucoup à la cérémonie. (V. Note VII.) Ces deux termes, de danse et de cérémonie, s’opposent de toutes les façons ; le cortège est entre deux. La fête les enferme, mais les dépasse en ce sens qu’elle marque un moment de réflexion, et comme une dissolution des deux autres choses. Le comique est sur le passage, mais c’est le carnaval qui affirme le plus énergiquement l’esprit de la fête. J’indique seulement ce fragment de jeu dialectique, qui est dans la manière hégélienne. Je ne méprise point ce jeu ; mais j’ai éprouvé que la suite des arts ne se prête point sans résistance à des développements de ce genre-là. Toutefois les idées de ce modèle ne sont point mauvaises à suivre, et il est rare qu’elles ne conduisent point à découvrir quelque chose de neuf.

IV

Livre IV. — Sur la place de la Musique dans une classification
des Beaux-Arts.

Misère fait ressource. Si j’avais lu de près ce que dit Hegel de la musique, et qui est haut et fort, avant d’en écrire moi-même, peut-être n’aurais-je pas osé tant rapprocher cet art sublime de ces arts un peu sauvages, et si bien liés aux mouvements du corps humain, comme sont l’acrobatie et la danse. Heureusement, en cet isolement où j’étais, je ne suivis point d’autre fil conducteur que l’exacte description de l’imagination elle-même. Ainsi au lieu de considérer, comme Hegel, que la musique, encore plus que la peinture, se déleste de matière, au lieu de remarquer après lui que le son est, de tous les signes, le plus près de la pensée, comme aussi le temps, où le son se développe, je fis attention au contraire à ceci que la musique est premièrement le chant, si naturellement lié à la danse, et que, disciplinant de plus près encore que la danse les mouvements du corps humain, elle se trouve ainsi parmi les premiers-nés des arts, et le moins pensé peut-être. Sur quoi un homme de notre temps se trompera aisément, par la coutume d’entendre souvent de vastes symphonies, sans aucun mélange des voix, et qui sont affranchies du mouvement humain par l’instrument, chose architecturale. Ce rapport étonnant, qu’il ne faut pas oublier si l’on veut comprendre le développement de la musique, ne doit pourtant pas couvrir jusqu’à la cacher cette agitation du corps humain, sensible dans l’orchestre, et redoublée par le chef d’orchestre d’après une loi