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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/399

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NOTES

assemblée. Peut-être le cortège n’est-il, pour le principal, que la préparation ou le développement de l’assemblée. Les privilèges s’y retrouvent encore, ainsi que la nécessité de trouver passage et d’établir d’avance le respect. Il me semble qu’hors de ces nécessités extérieures la composition n’est jamais rien ; car on ne peut nommer composition cet ordre de développement intérieur qui, dans la musique, fait revenir le semblable ou l’opposé, et tout ensemble dans la terminaison. Le mot composition, par sa structure, refuse ce sens. La composition serait donc extérieure absolument. À ceux qui repousseraient ce paradoxe, je veux proposer deux exemples étonnants. L’un est pris de ces tableaux de la Sixtine qui reçoivent leur forme de l’édifice ; on y remarquera la composition selon le triangle, qui certainement a réglé le nombre et l’attitude des personnages, sans aucun artifice, parce que la nécessité de composer reste bien clairement extérieure. Les autres exemples, directement opposés à ceux-là, sont offerts par tous les genres de la composition dite pyramide, groupement des personnages souvent critiqué, parce que l’on ne voit point de raison extérieure qui fasse qu’une Sainte-Famille, par exemple, soit ainsi disposée, et que l’on nie que les rapports des personnages et l’échange des sentiments puisse exiger cette forme empruntée à l’architecture, mais non point imposée par l’architecture. D’où l’on pourrait dire que le monument soutient le tableau mais que l’idée architecturale le dissout ; ou, en d’autres termes, que la contrainte extérieure doit se montrer telle, enfin que la nécessité imitée n’est nullement la nécessité. Le sujet, comme on voit, ne s’éclaire pas. Je proposerai encore deux remarques. La première est pour montrer que la nécessité architecturale, qui tient à la pesanteur, ne règle pas moins l’attitude du corps humain et sa place ; et, par négation de cette condition, je remarque que ce qui ne pèse point, comme oiseaux, personnages ailés, personnages flottants, est presque toujours mal placé dans un ensemble pictural. La deuxième remarque est que le développement d’une belle œuvre, soit dans le temps, soit dans le lieu, devient règle de composition en d’autres œuvres, en cela imitées, et qui ne sont pas toutes médiocres. Ainsi sont les unités au théâtre, et les règles de la sonate et de la symphonie. Je conclus, quoique ce soit prématuré, que la composition se rapporte à l’industrie, et désigne ce qui, dans l’œuvre, se conforme à une nécessité d’avance comprise, ou bien à un plan de raison. J’ai assez montré que ces idées séparables se trouvent aussi bien et mieux dans les œuvres qui n’ont point de beauté que dans les belles, et qu’ainsi la connaissance du beau ne reçoit d’elles aucune lumière, quoique, par une pente naturelle, la critique s’égare souvent par là.