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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/170

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

éclairé par un faible et unique bec de gaz, les angles noirs d’ombre, le plafond et les murs paraissant reculés, n’était que la chambre de veille de quelque cimetière, où deux gardiens jouaient aux cartes pour se tenir éveillés ; tandis qu’un troisième gardien, le cafetier, avait fini par aller s’étendre sur le banc rembourré du fond, où il sommeillait près de la culotte, à côté d’un monceau de chopes bues et de bouteilles vides. Et la ville elle-même, si léthargiquement engourdie, ou si accoutumée aux vacarmes nocturnes que celui de tantôt n’avait fait s’entre-bâiller aucune fenêtre, n’était-elle pas maintenant une nécropole, où dormaient ensemble la ville romaine, la ville féodale et la ville parlementaire, trois mortes ?

Tout à coup, sous les volets, se glissa une sorte de plainte lugubre. Une voix traînarde et glapissante gémissait avec un gros accent méridional : « Il est… t’une heure… e et demi… eee. » Le « crieur de nuit ! » On ne l’avait pas entendu venir avec ses chaussures de corde. Il marchait très vite, ayant chaque fois toute la ville à parcourir. Une demi-minute de silence. Puis, de nouveau, mais déjà loin et plus lugubrement encore : « Il est… t’une heure… e et demi… eee. »

À un léger ronflement du cafetier, Mauve, de Toulon, retourna la tête. Le Polaque lui passait sept parties, avait maintenant quatre points de la dernière.

— Quel embêtement ! chuchotta Mauve, de Tou-