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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/330

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

des-Fleurs. Il ne pleut pas comme hier ! Une belle fin de journée de printemps. Les poumons se dilatent à l’air embaumé qui monte de tous ces jardins. Tandis que certains coins de verdure se reculent et s’approfondissent dans une douceur bleuâtre, les toitures des petits hôtels d’en face viennent en avant, jaunes dans le soleil couchant. Toute sorte d’oiseaux chantent à la fois. Elle n’a plus ses oiseaux des îles. La volière en acajou a été vendue avec le reste… Quatre mille francs ! Il y a sept mois, il ne lui restait que quatre mille francs ! Combien de mois, avec ce qui lui reste, peut-elle vivre encore ? Peut-être sept autres mois, peut-être un an ?… Soit ! jusqu’au printemps prochain. Et puis ?… Pense-t-elle quelquefois à ces réalités ?… Je me demandais depuis un moment ce qu’elle était en train de faire à la fenêtre, d’où venait un certain bruit imperceptible que j’entendais, une sorte de petit grincement : sa lime à ongles ! Avant de commencer à s’habiller, elle se lime les ongles.

Huit heures.

Elle est prête. Sa toilette est sans doute terminée. Une porte d’armoire à glace vient de s’ouvrir et de se refermer. Je crois qu’elle est debout, en train de mettre son chapeau en se regardant dans la glace… Cherche-t-elle à noircir avec du cosmétique quelques premiers cheveux blancs ? Se découvre-t-elle une ride précoce ?… Elle a aujourd’hui trente-six ans et deux ou