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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/641

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MUTILATION


compromettre sérieusement ces biens, à moins de raisons très graves et immédiatements urgentes, tout autres, par conséquent, que le motif de hâter les progrès de la science, si désirables qu’ils soient. Ainsi, tout en excusant la bonne foi de ceux qui se prêteraient à de tels essais, il faudrait blâmer sévèrement le médecin qui aurait sollicité ou mis à profit un consentement non valable, puisqu’il était illicite. » Moureau-Lavrand, Le médecin chrétien, Paris, s. d. (1901), p. 88-90. Un seul cas pourrait être licite : c’est quand le patient choisi pour l’opération grave ou la mutilation entreprise dans un but scientifique est un condamné à mort, à qui, moyennant l’expérience à laquelle il se livre, on promet la vie sauve. Maîtresse de sa vie en vertu d’une juste condamnation à mort, la société pourrait proposer ce marché au criminel, et il est permis à celui-ci d’y consentir, puisqu’il y trouverait des chances de vie au lieu de la mort inévitable qui lui est réservée.

4. Le bien spirituel n’est jamais normalement une raison autorisant la mutilation quelle qu’elle soit, et spécialement la mutilation des organes de la génération. L’homme n’a pas la liberté de disposer de son corps, qui appartient à Dieu et la mutilation grave, on l’a vii, n’est licite que lorsqu’elle est nécessaire à la santé de l’individu tout entier. Or, comme le remarque expressément saint Thomas, « on peut toujours subvenir au bien spirituel d’une autre manière que par la mutilation ». Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxv, a. 1, ad 3um. D’une façon extraordinaire et pour ainsi dire anormale, on peut admettre que les mutilations, opérées sur elles-mêmes par certaines saintes, désireuses d’échapper par là à des convoitises charnelles d’autrui, peuvent être excusées par la bonne foi de leurs auteurs, ou expliquées par une inspiration surnaturelle. Schmitt-Noldin, n. 328. Quant aux mutilations légères, telles qu’on les rencontre chez certaines peuplades de l’Afrique ou de l’Océanie (mutilation de la peau, par les tatouages ; des oreilles, du nez, des lèvres pour y attacher des « bijoux » ; des phalanges des doigts en signe de deuil), on peut les excuser en raison de leur peu d’importance. Les exigences de la mode ne font-elles pas excuser, avec plus de facilité encore, la perforation des oreilles chez nos femmes civilisées ? Toutefois, une mutilation, en soi légère, deviendrait une faute grave et serait gravement illicite, si elle devait empêcher celui qui se la procure, de remplir un devoir grave, par exemple, celui du service militaire. Les dangers spirituels graves qu’on peut rencontrer dans le service militaire ne sont pas une excuse suffisante : on peut y remédier autrement. Génicot Salsmans, n. 363. La justice militaire s’est toujours montrée sévère à l’endroit de ce délit.

Si le bien spirituel n’est pas une raison suffisante pour autoriser la mutilation des organes de la général ion, à plus forte raison faudra-t-il l’affirmer des simples avantages temporels qu’on a énumérés plus haut pour justifier la castration des enfants destinés au chant d’église. Noldin-Schmilt, n. 328, 3. Voir plus loin.

Solutions particulières.

Dans ces solutions

particulières nous examinerons plus spécialement les mutilations des organes de la génération chez les hommes et chez les femmes.

1. Le cas de la castration a déjà été examiné, au point de vue canonique, â l’article Eunuque, t. v, col. 1515. il nous reste ici â préciser les différents

aspects de la moralité de cel acte.

Conformément aux principes généraux rappelés

plus haut, la castration, c’est-à-dire l’ablation totale îles deux testicules, n’est licite qu’au cas où elle s’impose pour conserver la vie de l’ind ; ividu elle est donc permise toutes les fois que le testicule ou ses

annexes sont le siège d’une affection organique, dont les progrès inévitables menacent l’existence même (sarcocèle). On a pu autrefois multiplier à tort les cas où cette nécessité thérapeutique existe et employer cette mutilation, par exemple, comme le seul moyen efficace de combattre la lèpre, de guérir les hernies étranglées. Erreurs de fait et qui n’entachaient pas alors la moralité d’un acte qu’on croyait indispensable à la sauvegarde de la vie humaine ; et, conséquence canonique, de telles mutilations n’entraînaient, ni avant, ni après le sacerdoce, l’irrégularité, Voir l’art, cité, col. 1511-1515.

En dehors de ce cas unique, la castration volontaire est illicite. L’Église, comme la Synagogue, a toujours considéré l’institution sociale des eunuques comme contraire à la loi divine. Les Pères ont déploré, réprouvé, attaqué cette plaie sociale. Cf. Eunuques, col. 1519. La réfutation que saint Épiphane fait de la doctrine des » valésiens » montre bien que, même en vue de favoriser la pratique de la chasteté et d’éloigner les soupçons d’inconduite (cas d’Origène et de Léonce d’Antioche), la pratique de la castration ne saurait être admise. Et nous touchons ici l’aspect moral de la question, aspect sur lequel il convient d’insister.

La raison primordiale pour laquelle la castration est illicite est que Dieu ne nous a pas donné la propriété de notre corps ; nous n’en avons que la jouissance. Comme administrateurs de ce bien, reçu de la munificence divine, nous avons le devoir de conserver à notre corps son intégrité, sauf le cas où le sacrifice d’une partie est nécessaire à la conservation du tout.

Or, dans le cas de la castration accomplie en vue d’un bien spirituel (comme l’entendaient les valésiens, Origène et Léonce d’Antioche), la nécessité de la conservation de l’individu n’existe plus. Qu’on n’insiste pas en disant que le salut éternel est préférable à la conservation de l’existence, et qu’il lui faut sacrifier le principe même des tentations charnelles qui sont une source de péchés graves et un danger permanent de damnation : « La mutilation d’un membre n’est licite, en faveur du salut de tout le corps, que lorsqu’il est impossible de procurer autrement ce salut. Mais on peut toujours trouver d’autres moyens de pourvoir au salut de l’âme, parce que le péché est du domaine de la volonté. Donc, en aucun cas, il n’est permis de mutiler un membre pour éviter de pécher. » S. Thomas, IIMI 33, q. lxv, a. 1, ad 3um. De plus, lorsque la castration est opérée sur des hommes déjà adultes, elle ne supprime point les tentations charnelles. Les Pères en avaient déjà fait l’observation. On a cité le texte du pseudo-Basile sur ce sujet. Voir Eunuquks, t. v, col. 1519. Et saint Jean Chrysostome, cité par saint Thomas, loc. cit., déclare que par ce moyen « la concupiscence loin de s’apaiser, devient plus exigeante ». In Matthœum, xix, 12, P. < ;., t. i.xiii, col. 599-000. Cette constatation avait été faite par les anciens, cf. Eccli., xx, 2, qui dénonçaient les mœurs dépravées des eunuques et des matrones romaines se servant d’eunuques pour éviter les embarras de la maternité. Juvénal, Satires, vi, éd. Lemaire, t. i, p. 301-305 ; Martial, Epigr., 1 VI, i.xvii, éd. Lemaire, t. ii, p. 170 ; cf. Le DentU, Les anomalies <lu testicule, Paris, 1869, p. 97-98 ; A. Eschbach, Disputaliones physiologiese, disp. II, part. II, c. iii, a. 2, n. 1 ; Analecia ceci., t. xix, p. 384 ; Zacchia, Quæsliones medico-legales, Lyon, 1701, t. ii, til. iii, q. ix, n. 13, p. 200, et Sixte Quint, Constitution Cum fréquenter, 22 juin 1587, dans le liullaire, éd. de Turin, t. viii, p. 870.

Quand la caslralion est opérée sur des enfants niin encore parvenus à l’âge adulte, il est vrai qu’elle Supprime tout désir vénérien. Zacchia, op. cit-, n. 21,