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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/642

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MUTILATION


p. 201. Mais les effets d’une telle mutilation sur l’organisme entier sont déplorables. D’ordinaire « le teint est pâle, les cheveux souvent blonds, les membres grêles et sans forces… L’absence d’énergie physique et morale les plonge dans une apathie continuelle. La décadence de l’intelligence se reflète dans l’hébétude du regard ». Le Dentu, op. cit., p. 98. « Les eunuques castrés avant la puberté ont subi une déchéance intellectuelle qui ne saurait échapper à l’observateur. En général, ils manquent de vivacité, de gaîté, d’activité. Ils ont de la tendance à la tristesse et à la paresse. Ils sont sans énergie, indolents, abouliques, serviles, couards, aigris, cruels, privés de sentiments affectifs, égoïstes. » Zambaco, Les eunuques d’aujourd’hui et ceux de jadis, Paris, 1911, p. 111. Cf. Bouillet, Dict. des sciences, au mot Eunuque. Nous avons déjà fait oberver plus haut que les avantages matériels que peuvent espérer de la conservation de leur voix les enfants castrés, ne sauraient légitimer leur mutilation. S’il y a eu jadis divergence de vue entre théologiens — divergence qu’à vrai dire on ne s’explique guère — sur ce point précis, voir S. Alphonse, loc. supra cit., aujourd’hui il ne saurait plus y avoir doute. S’appuyant sur saint Thomas, loc. cit., sur De Lugo, De justilia et jure, disp. X, n. 23 ; sur Benoît XIV, De synodo, t. XI, c. vii, n. 3, tous les moralistes contemporains proclament l’illicéité absolue de la castration des enfants, même eux y consentant, dans le but de conserver leur voix. Bucceroni, Instituliones theologiæ moralis, Rome, 1908, 1. 1, n. 714 ; Genicot-Salsmans, Instituliones theologiæ moralis, Bruxelles, 1927, t. i, n. 363 ; Noldin-Schmidt, De præceptis Dei et Ecclesiæ, Inspruck, 1924, n. 328 ; Palmieri-Ballerini, Opus morale, Prato, 1901, t. ii, n. 874 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-en-B., 1911, t. i, n. 734 ; Gury-Ferreres, Compendium théologies moralis, Barcelone, 1913, t. i, n. 391, etc.

Il ne saurait non plus être question d’infliger la castration à titre de pénalité aux criminels coupables de viols ou d’adultères. Même en acceptant, comme saint Thomas le fait timidement pour l’Ancien Testament, la loi du talion, on ne pourra jamais reconnaître à l’État le droit d’infliger une mutilation qui supprime radicalement, dans l’homme, les sources de la vie. Pratiquée sur des criminels nécessairement adultes, la castration ne ferait qu’exciter leur désir coupable et les précipiter vers de nouveaux attentas. Le but poursuivi serait manqué et une violation du droit naturel commise. Les savants, désireux d’étendre par ce moyen leur champ opératoire par l’expérience des castrations masculines, sont donc en marge de la morale la plus élémentaire. Cf. D r Surbled, Célibat et mariage, Paris, 1909, p. 211.

Une dernière considération permet de juger de l’immoralité de la castration. C’est que cette mutilation rend l’homme incapable de contracter mariage : elle lui fait endosser l’empêchement dirimant d’impuissance absolue. Sur l’empêchement d’impuissance, voir Impuissance, t. vii, col. 1431-1441. On lira sur ce point spécial : Sixte-Quint, Constitution Cum fréquenter, qui interdit les mariages d’eunuques, dissout ceux qui ont pu être contractés, et déclare les mariages de cette espèce, nulla, irrita et invalida ; A. Eschbach, op. cit., disp. II, part. II, a. 2, n. 2 ; Gasparri, De matrimonio, n. 528, 1° ; Wernz-Vidal, Jus decretalium, t. iv, n. 342 ; Cappello, De matrimonio, n. 348, etc. La castration, comme châtiment, serait donc, à un double titre, immorale : elle serait un empiétement injustifié sur le domaine que Dieu possède à l’égard du corps humain ; elle placerait celui qui l’aurait subie dans l’impossibilité de se marier tout en lui laissant les désirs de la concupiscence.

Aux termes de l’art. 316 du code pénal français, toute personne coupable du crime de castration subira

la peine des travaux forcés à perpétuité. Si la mort en est résultée avant l’expiration des quarante jours qui auront suivi le crime, le coupable subira la peine de mort. Aux termes de l’art. 325, le crime de castration est excusable, s’il a été immédiatement provoqué par un outrage violent à la pudeur. Il aurait justification dans l’hypothèse d’un viol ou d’une tentative de viol, parce que l’agent pourrait alors être considéré comme en état de légitime défense.

2. Loin de constituer un progrès dans le sens de la moralité, la vasectomie double semble au contraire, un raffinement dans l’immoralité. L’homme qui a subi la vasectomie n’est pas, à proprement parler, un eunuque. Il conserve les testicules, qui élaborent toujours le liquide prolifique. Mais parce que les canaux déférents sont sectionnés, la possibilité de l’éjaculation n’existe plus, et la stérilité complète est assurée. Toutefois, la communication du membre viril avec la prostate et les glandes de Cowper subsistant, il y a encore possibilité d’émettre ce liquide qui, d’après les physiologistes, caractérise la simple distillation, distincte de la pollution. Cf. P. Poirier et A. Charpy, Traité d’anatomie humaine, Paris, 1907, vol. y, p. 341 sq. ; Vigouroux, Traité complet de médecine pratique, Paris (s. d.), t. iv, p. 5 sq. De plus l’homme reste capable d’érection et donc de rapprochement sexuel. Enfin certains physiologistes ajoutent que l’opération de la vasectomie n’a pas nécessairement un effet définitif et que, parfois même après plusieurs années, il est encore possible, sans mettre en péril la vie du patient, de rétablir la communication des canaux déférents. Cf. Cappello, De vasectomia, dans la Scuola cattolica, 1912, p. 246 sq. ; Gemelli, De liceitate vasectomiæ, id., nov. 1911 ; Donovan, De liceitate vasectomise, dans American eccl. Review, avril 1910 ; The morality of the opération of vasectomia, id., mai 1911 ; Philokanon, The question of vasectomy, id., nov. 1911. D’autres cependant nient cette possibilité, du moins, d’une façon normale et fréquente. Cf. J.-B. Ferreres, De vasectomia duplici, Madrid, 1913, n. 218 sq., avec les références qu’on y trouve.

La question de la vasectomie pose un problème double, à la fois moral et canonique, l’illicéité de l’opération, l’empêchement d’impuissance qui en résulte.

Tout d’abord, les auteurs sont unanimes à affirmer que, tout comme la castration, la vasectomie double serait licite chaque fois qu’elle serait nécessaire pour sauver la vie de l’individu sur lequel on la pratique. Ce n’est que l’application du principe général formulé par saint Thomas. Mais cette opération est-elle jamais nécessaire pour sauver la vie d’un malade ?

En dehors de ce cas, elle est toujours illicite. Cappello, De matrimonio, n. 376, énumère trois chefs d’illicéité : 1. personne ne peut renoncer à un droit qui, de par la nature, est ordonné principalement au bien du genre humain ; 2. la société elle-même ne peut priver les citoyens des droits qu’ils tiennent de la nature, et en particulier du droit de disposer de leur propre corps en vue de la génération : sous ce rapport, en effet, l’homme ne dépend de personne ; 3. la vasectomie rend l’homme inhabile au mariage, et par conséquent le contraint moralement au célibat, alors que cependant cette opération, loin de diminuer les tentations contre la chasteté, en augmente plutôt la violence : il y a donc pour les hommes opérés de la vasectomie un très grave péril de péché. Ainsi, contre Donovan, op. cit., et Gemelli, De liceitate vasectomise, dans Scuola cattolica, nov. 1911, opinent Ferreres, op. cit. ; Ojetti, Synopsis rerum moralium…, v° Vasectomia, n. 4040 ; Eschbach, De chirurgica operatione vasectomise ilisquisitio.., dans Analecta ecclesiaslica, sept.-oct., 1911, et De vasectomia, brèves animadver-