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Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/122

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hara-kiri

de pensionnat, très riche, l’avait invitée à passer chez elle le temps des vacances, et là, elle se familiarisait avec un luxe, une prodigalité, une élégance, inconnus des rentiers du Marais. En elle, le souvenir de ces horizons de fortune et de bonheur était toujours demeuré resplendissant et, sans abandonner l’existence minutieuse et végétative qu’elle dédaignait, elle conservait comme une vision chère, l’image embellie par la distance, d’un avenir qui lui était fermé. Puis un jour, la banqueroute d’un gouvernement ayant à peu près ruiné son père, à dix-huit ans, elle se trouvait en face de ces deux alternatives : être toute sa vie une sage et honnête institutrice, sorte de souffre-douleur, de domestique hybride aux gages d’une famille riche, ou bien rouler carrosse en négociant sa vertu ; porter des lunettes bleues en buvant de l’eau rougie, ou bien donner le ton à la mode en sablant le champagne dans les coupes de Baccarat.

Toutes réflexions faites, elle préférait le champagne et c’est pourquoi, huit jours après, elle était la maîtresse d’un jeune bourgeois en train de liquider par avance les économies paternelles, et dinait pour la première fois chez Bignon. Elle y dina pendant deux ans et eut un fort joli petit appartement rue Laffitte.

Un beau jour, alors que le coffre-fort de son amant, était encore très ventru, elle s’éprit folle-