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Page:Allais - L’Arroseur.djvu/79

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L’ARROSEUR

Une simple industrie. Oui, mais quelle industrie !

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Tout d’abord, je supplie les âmes sensibles et les natures facilement impressionnables de ne point poursuivre la lecture de ce factum.

Il y a, en apparence, dans l’industrie que je vais décrire, un petit côté pénible et même cruel, très susceptible de déchaîner les plus douloureuses compatissances.

J’ai dit en apparence, car, dans la réalité, ce côté pénible et cruel n’existe pour ainsi dire pas du tout.

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Ce fut au mois de septembre dernier que l’industrie sus-indiquée vit le jour.

La petite Wilhelmine, la jeune reine de Hollande, était venue passer un mois dans l’île de Walcheren.

En ce pays, c’est une vieille coutume chez les enfants pauvres de galoper les routes et les grèves avec les pieds nus.

Il résulte de ce parti pris une économie de chaussures fort sensible dans les petits ménages où l’on ne roule pas sur les ducats.

La jeune reine prenait un vif plaisir à contempler les ébats des petits nécessiteux zélandais. Son plus âpre désir était d’en faire autant.

Mais sa gouvernante appartenait à cette vieille race de gouvernantes hollandaises qui ne veulent rien savoir.

Or, un jour, cette duègne, légèrement indisposée, fut remplacée momentanément par une jeune institutrice française qui accompagna dès lors Sa Petite Majesté dans ses promenades.

L’institutrice française en question appartenait à cette vieille race d’institutrices françaises qui, du prestige, n’ont qu’une notion rudimentaire.