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LES AVENTURIERS DE LA MER


bre et de celle du conseil. Ma présence était désormais inutile pour la conservation du vaisseau ; je me dépouille de mes habits et je me jette à la mer.

« Longtemps j’eus à lutter contre un soldat qui, en se noyant, m’avait saisi par un membre. Enfin, dégagé, je nageais vers la vergue de civadière qui se présentait à mes yeux. Elle était toute chargée de monde et je n’osai prendre une place sans en demander la permission, que ces infortunés m’accordèrent volontiers. Les uns étaient tout nus, les autres en chemise. Ils avaient encore la bonté de plaindre mon sort, et leur malheur mettait ma sensibilité à la plus dure épreuve. « Que nous vous plaignons, mon officier ! me dirent-ils. — J’ai bien plus sujet de vous plaindre, leur répondis-je, ma vie étant très avancée, tandis que vous ne faites que de commencer la vôtre. »

« De quelque côté que je tournasse les yeux, ils n’étaient frappés que des spectacles les plus affreux. Le grand mât, brûlé par le pied et tombant à la mer, donna par sa chute la mort aux uns, et aux autres une faible ressource.

« Lorsque j’y pensais le moins, j’aperçus la yole assez proche de nous ; il était à peu près cinq heures du soir. Je criai aux rameurs que j’étais leur lieutenant et leur demandai de partager avec eux leur infortune. Ils m’accordèrent la liberté d’entrer dans leur canot, à la seule condition d’aller moi-même les joindre à la nage. Il était de leur intérêt d’avoir un conducteur pour découvrir la terre, et par cette raison ma compagnie leur était trop nécessaire pour me refuser cette grâce. La condition qu’ils m’imposaient était cependant raisonnable ; ils firent prudemment de ne pas approcher, chacun aurait voulu entrer dans ce frêle bâtiment ; le canot aurait été submergé et nous aurions tous été ensevelis dans les eaux. Je rassemblai donc toutes mes forces, et je fus assez heureux pour parvenir jusqu’à la yole. On recueillit encore le pilote et un maître qui, réfugiés sur le grand mât, se décidèrent aussi à franchir la distance à la nage. Cette yole fut l’arche qui sauva les dix personnes qui échappèrent seules de presque trois cents. »

La catastrophe finit par l’explosion du vaisseau.

Périt également par le feu le brick la Jeune-Sophie, du Havre, parti pour l’île de France (1817), dont l’équipage dut débarquer dans l’île déserte de la Trinité — îlot de l’Ascençaon — sur le littoral brésilien. L’incendie fut occasionné par la rupture d’un vase contenant du vitriol. Il y avait à bord, outre le capitaine Devaux et l’armateur, quinze