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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/154

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LES AVENTURIERS DE LA MER


de l’équipage du Comte-d’Eu. « Nous avons été traités, a-t-il dit, avec la plus grande bonté ; mais où le capitaine Niel a le mieux montré la vraie noblesse et l’humanité de son caractère, c’est quand, à la vue de la réflexion de l’incendie dans le ciel, supposant que c’était peut-être un baleinier en détresse, il n’a pas hésité à changer sa route pour aller voir s’il pouvait donner de l’aide. Après une heure de marche, il ne semblait pas être plus près de son objectif et il s’est trouvé si bien enveloppé dans le brouillard et la pluie que la lueur a cessé d’être visible. Il n’en a pas moins poursuivi sa marche. À sa sortie du brouillard, il a revu la lumière briller plus éclatante dans les nuées et il a fait cinquante milles pour venir nous sauver. »

C’était le premier voyage du capitaine Niel comme commandant, et sa conduite ne peut qu’être citée en exemple à tous les marins.

Il est plus rare que dans un péril extrême un équipage opère sans aucun secours son propre sauvetage. Par cette raison les événements qui suivirent la perte du Duroc méritent tout particulièrement d’être rappelés.

L’aviso à vapeur le Duroc s’était jeté, dans la nuit du 12 au 13 août 1856, sur le récif Mellish qui se trouve à 160 lieues dans le nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie. Ce navire, parti de notre colonie australienne, revenait en France. Grâce à un sauvetage habilement organisé par M. de la Vaissière, lieutenant de vaisseau, commandant le Duroc, personne ne périt.

Lorsque tout espoir de sauver le navire fut perdu, le commandant fit transporter sur le récif, îlot de sable invisible pendant la nuit, de 200 mètres de long sur 100 de large, les malades, les vivres, la cuisine distillatoire, le four, la forge et tout ce qu’il était possible de sauver avec les embarcations et les radeaux. Tout cela s’accomplissait au milieu des requins qu’il fallait écarter à coups de gaffe. Puis, le commandant songea à faire construire un canot de grandes dimensions, en employant le bois provenant des bas mâts et du beaupré sciés en planches. Des tentes avaient été dressées avec des voiles, pour abriter les naufragés et les vivres. Notez que le commandant la Vaissière avait à son bord sa femme et sa fille Rosita, une charmante enfant de cinq ou six ans, de plus une femme de chambre et quelques malades. La cuisine distillatoire fournit l’eau à discrétion et il restait quatre mois de vivres pour les trente et une personnes que le commandant gardait avec lui, pour gagner, à l’aide du canot en construction, un point de la côte d’Australie d’où l’on pût rallier Sydney.