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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/185

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LES AVENTURIERS DE LA MER


rasque. Le capitaine de ce navire aperçut les phares d’Étaples, les prit pour des feux anglais, et vira de bord de manière à les laisser sur sa gauche. À ce moment, le matelot William Duncan s’approcha de lui et l’avertit qu’il faisait fausse route. Un instant après, le navire, poussé par d’énormes lames, toucha violemment. Il était une heure du matin. La coque s’ouvrit presque immédiatement et se disloqua. L’équipage avait eu le temps cependant de se jeter dans un canot ; mais à peine avait-on débordé que plusieurs lames le remplirent, le chavirèrent et le roulèrent. Duncan se mit à nager, tout en se débarrassant de ses vêtements. Il sentit bientôt l’un de ses compagnons d’infortune s’accrocher à lui, en le suppliant de le sauver. — Mon ami, lui dit-il, si tu restes sur moi quelques secondes encore, nous périssons sûrement tous les deux ; et puisque seul je sais nager, laisse-moi essayer de me sauver.

— C’est vrai, lui dit son camarade, tu as raison… Adieu !

Et la mer engloutit le malheureux.

Après deux heures de mortelles angoisses et de luttes désespérées, Duncan finit par atteindre la terre. La nuit était obscure, la plage déserte, et la tempête balayait sur la grève de véritables flots de sable. Le marin anglais se traîna avec peine jusqu’à l’hôpital alors récemment bâti à Berck par l’Assistance publique pour les enfants malades de la ville de Paris.

Il frappa et appela inutilement ; les hurlements de l’ouragan couvraient sa voix. Il se dirigea alors vers le phare dont il apercevait la lumière. Le phare est situé sur une hauteur entourée de grandes herbes coupantes et piquantes ; ce fut blessé et tout meurtri que Duncan put gagner cet endroit d’un accès si difficile même en plein jour.

Il tomba épuisé contre la porte du phare, en réclamant du secours ; la porte s’ouvrit aussitôt. Le gardien le transporta dans sa chambre, se dépouilla de ses vêtements pour l’en couvrir, le frictionna devant un bon feu, lui fit boire du vin chaud, et ramena chez lui la chaleur et un peu de force. À peine Duncan eut-il repris ses sens qu’il s’écria, comme sortant d’un rêve :

« Mais j’ai des camarades ; il faut aller les chercher ! »

Aussitôt tous deux prennent des couvertures et partent pour aller explorer la grève. À la lueur vacillante du fanal dont ils se sont munis, ils découvrent un homme dont la tête et la moitié du corps sont enfouis dans le sable, et ne donnant plus signe de vie. Duncan reconnaît John Stephenson, charpentier du Parangon. On le frictionne, on l’enveloppe