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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/274

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LES AVENTURIERS DE LA MER


Takouri, le chef du plus grand village, lui amenait souvent son fils et le laissait passer la nuit sur le vaisseau.

Il y avait trente-trois jours que les vaisseaux de l’expédition se trouvaient mouillés dans la Baie-des-Îles, et rien ne semblait devoir altérer la bonne intelligence dans laquelle on vivait avec les sauvages. Le 12 juin, à deux heures de l’après-midi, Marion descendit à terre dans son canot armé de douze hommes, et emmenant avec lui deux jeunes officiers, — MM. de Vaudricourt et Lehoux, — un volontaire et le capitaine d’armes de son vaisseau. Takouri et cinq ou six sauvages l’accompagnaient dans cette partie de plaisir, où l’on se proposait de manger des huîtres et de pêcher au filet.

Le soir, le capitaine ne revint pas coucher à bord de son vaisseau, ni personne du canot. On n’en fut nullement inquiet, tant la confiance dans l’hospitalité des indigènes était fermement établie ! On crut seulement que le commandantavait couché à terre dans un des postes…

Mais le lendemain matin, on aperçut sur les vagues un homme qui nageait vers le vaisseau ; on lui envoya un bateau pour l’amener à bord. C’était un chaloupier, qui seul avait échappé au massacre des marins français.

Il raconta que lorsque la chaloupe avait abordé la terre, les sauvages s’étaient présentés sans armes au rivage, se montrant comme à l’ordinaire bons et respectueux, mais que les matelots s’étant dispersés pour ramasser du bois, les sauvages, armés de casse-têtes, de massues et de lances, s’étaient précipités par troupes de huit et dix sur chaque matelot, et les avaient mis à mort. Le chaloupier était parvenu, après s’être défendu, à gagner le bord de la mer, et à se cacher dans les broussailles. De là, il avait vu tuer ses camarades ; les sauvages, après les avoir frappés mortellement, les avaient dépouillés de leurs vêtements pour dépecer les corps… Ce marin avait pris le parti de gagner le vaisseau à la nage.

Il n’y avait pas à en douter : on se trouvait en présence d’une population de cannibales ; le commandant Marion du Fresne et les siens avaient eu le plus pitoyable sort !

Les officiers qui restaient à bord des deux vaisseaux s’assemblèrent pour aviser aux moyens de sauver les trois postes. On décida d’expédier la chaloupe du Mascarin, bien armée, pour rallier nos marins dispersés et sans défiance, au milieu de tant d’ennemis. La chaloupe du Castries et le canot du capitaine Marion furent découverts échoués près du village