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LES AVENTURIERS DE LA MER


Wallace, dont les forces étaient épuisées, tomba à côté de son ami Willey, qui venait de recevoir le coup mortel. Au moment même d’expirer, Wallace encourage encore ses compagnons.

Sur vingt et un marins, quatorze déjà étaient morts quand la chaloupe toucha le rivage. À une portée de mousquet, les hommes qui la montaient firent feu, et les sauvages reculèrent, ce qui permit à la petite bande, réduite à sept hommes blessés grièvement, de rallier la chaloupe.

L’embarcation, trop chargée, s’éloignait lentement, et les sauvages, revenus de leur première surprise, sautèrent dans leurs pirogues et la rejoignirent, tout en faisant pleuvoir sur elle une grêle de flèches. Pas un marin n’eût échappé, si le capitaine Morrell n’eût ordonné de tourner contre les pirogues la bordée du schooner, et au moment où les sauvages se trouvèrent à portée, l’Antartic fit feu de toute sa batterie. Les canots des Papouas, criblés de mitraille, reculèrent en désordre et avec des pertes sensibles.

Les cadavres des malheureux marins massacrés gisaient sur le rivage, où les sauvages les dépeçaient avec leurs propres coutelas : tel fut l’atroce spectacle que les survivants eurent sous les yeux. La nuit vint ; des feux s’allumèrent partout, et l’on put distinguer à leurs lueurs les lugubres apprêts du festin des cannibales.

Toute la nuit, l’Antartic croisa mèche allumée entre les récifs et les bas-fonds. Au point du jour, le schooner put appareiller. Un vent favorable le conduisit à Manille où son commandant tripla son équipage et renforça son artillerie.

Le 13 septembre de la même année, le capitaine Morrell, avec une ténacité tout américaine, revint en vue des îles du massacre. Il s’établit dans l’une d’elles et s’y fortifia de manière à pouvoir repousser toute attaque ; après quoi il prit ses dispositions pour une campagne de pêche du trépan, plus fructueuse que la précédente.

Un jour, il vit apparaître un de ses anciens matelots, nommé Shaw, qu’il avait cru mort. Le malheureux fit le récit de ses souffrances. Capturé le lendemain du massacre, au fond des bois où il avait réussi à se dérober, il allait être mis à mort, quand un chef le réclama pour en faire son esclave. Le matelot américain fut occupé à faire des couteaux pour son maître, avec le fer volé à la pêcherie ; maltraité, mourant de faim, huit jours avant la seconde apparition de l’Antartic, il aurait été rôti et mangé, si le roi de ces îles eût été exact au rendez-vous du sacrifice.