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LES AVENTURIERS DE LA MER


Le capitaine Morrell quitta ces redoutables parages le 3 novembre suivant, non sans avoir été attaqué par les naturels ; mais cette fois ils furent traités selon leurs mérites. L’établissement de pêche, transformé en blockaus et défendu par quatre pierriers, était à l’abri d’une surprise et, la mousqueterie aidant, tint les assaillants à distance. L’Antartic foudroya de son artillerie les pirogues, noires de Papouas, qui cherchaient à l’envelopper ; et la victoire demeura aux Américains sans leur coûter, cette fois, un seul homme.

Mais il n’y a peut-être jamais eu de drame maritime aussi sanglant que celui dont fut témoin une île d’un de ces archipels de la Mélanésie habités par les cannibales Papouas. En voici la lamentable narration.

Le trois-mâts français le Saint-Paul était parti de Hong-Kong dans le courant de juillet 1858, avec vingt hommes d’équipage et trois cent dix-sept Chinois, engagés pour l’exploitation des mines d’or de l’Australie.

Avec tant de monde à son bord, menacé de la disette, le capitaine Pinard tenta, pour raccourcir la traversée, de passer entre les îles de la Louisiade. Les gros temps et des brouillards épais s’opposant à tout calcul exact sur la position du navire, on navigua d’après « l’estime », et avec tant d’incertitude, que trois jours après le Saint-Paul faisait côte. On descendit sur un îlot. Les vivres disputés aux flots consistaient en quelques barils de farine, deux ou trois quarts de viande salée et un petit nombre de boîtes de conserves. On manquait complètement d’eau douce. Mais la grande terre était en vue : c’était l’île Rossel.

Le capitaine, accompagné d’une partie de l’équipage et des passagers, y débarqua et y fit choix d’un campement sur le bord d’un ruisseau, à quelques pas du rivage et en vue de l’îlot, où le gros des passagers restait réfugié.

Le capitaine avait armé ses hommes de fusils : on avait de la poudre et des balles, mais pas une capsule ! C’est ainsi qu’on affronta une population aux féroces instincts. Pour donner le change, les sauvages accueillirent d’abord assez bien les naufragés ; ils leur offrirent des cocos et d’autres fruits. Voyant cela, le capitaine Pinard reprit courage, et rapporta de l’eau douce aux Chinois de l’îlot, laissant douze hommes dans l’île Rossel.

Mais dès qu’il se fut éloigné, les naturels, se démasquant, attaquèrent à coups de pierre les hommes demeurés au milieu d’eux. Ils les assom-