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LES AVENTURIERS DE LA MER


et en confia le commandement au lieutenant de Long, de la marine des États-Unis. Il s’agissait de s’élever vers les hautes latitudes en franchissant le détroit de Behring. Toutes les dispositions avaient été prises pour que cette expédition pût être menée à bonne fin. L’équipage, formé de marins choisis et expérimentés, comptait en tout trente-trois personnes.

La Jeannette partit de San-Francisco le 8 juillet 1879. Dès le 4 septembre, entouré de glaces épaisses, le cutter était prisonnier. Il fallut hiverner. L’été qui vint ensuite ne modifia pas la situation du navire, menacé de passer un deuxième hiver dans l’immobilité : c’est ce qui arriva. Enfin, au commencement de juin 1881, les explorateurs conçurent l’espoir de leur prochaine délivrance.

Le 12 juin, la Jeannette était à flot ; on se disposait à profiter de la première occasion propice pour reprendre la navigation. Mais les glaces en mouvement se rapprochèrent de nouveau du cutter, qui s’inclina sous leur pression ; un glaçon ouvrit dans ses flancs broyés une large voie d’eau. Il fallut se résoudre à abandonner le navire. Des approvisionnements de toute sorte furent descendus sur la glace. Cette opération s’accomplit avec ordre. À peine était-elle achevée, que la Jeannette sombrait.

Il n’y avait plus qu’à songer à la retraite. Les naufragés, jetés sur les glaces flottantes, devaient se diriger vers la côte sibérienne, à l’embouchure de la Léna ; mais ils en étaient à plus de cinq cents milles !

Vingt-quatre chiens formaient l’attelage des traîneaux. Les vivres ne manquaient certes pas : ils possédaient près de deux mille kilos de pemmican, six cents kilos de biscuit, cent cinquante livres d’extrait de bœuf de Liebig, deux cent cinquante-deux livres de poulet en boîtes, cent quarante-quatre livres de canard, quarante-quatre livres de mouton, autant de veau, cent cinquante livres de fromage, du porc, des oignons, du chocolat, du thé, du café, du sucre en grande quantité, de l’eau-de-vie, du tabac ; les vêtements ne manquaient pas non plus, ni les couvertures, ni les tentes, ni les fourneaux de cuisine : le difficile était de tout emporter à travers des espaces mobiles où la banquise souvent désagrégée présentait toutes sortes d’obstacles.

Le départ eut lieu le 17 juin, à six heures du soir. Tous les hommes valides partirent, traînant le premier canot ; mais les chiens faisaient de vains efforts pour les suivre avec le traîneau no 1. Il fallut rétrograder pour leur prêter secours et les tirer d’une ornière profonde où ils étaient tombés. De Long détacha six hommes du premier canot et revint avec eux