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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/44

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LES AVENTURIERS DE LA MER


Voiles de rechange, couvertures, matelas, tout fut employé pour masquer cette ouverture ; mais chaque lame qui embarquait, balayait en un instant les objets que l’on cherchait à fixer sur les débris de cette construction. Au bout de dix minutes, l’eau avait gagné les fourneaux ; les faux ponts furent envahis. Chassé par l’eau qui lui arrivait au-dessus de la ceinture, le mécanicien en chef abandonna sa machine et vint sur le pont rendre compte que ses feux étaient éteints. Le capitaine Martin répondit avec calme qu’il n’en était pas surpris et que l’on devait s’y attendre.

Voyant que son navire n’était plus qu’une épave, il fit établir le grand hunier, espérant ainsi tenir la cape. Mais cette voile était à peine bordée, que la force du vent l’arracha en lambeaux, ne laissant qu’un point, sous lequel le navire se maintint tout le reste de la nuit. La pompe à vapeur fut alimentée au moyen d’une chaudière placée sur le pont, et toutes les autres pompes fonctionnèrent sans interruption pendant la nuit, manœuvrées par l’équipage et par les passagers, dont l’imminence du danger stimulait l’ardeur.

Malgré ces efforts, l’eau gagna encore sur les pompes ; la tempête ne faisait qu’augmenter de fureur, les lames déferlant sans cesse sur le pont venaient s’engouffrer dans l’ouverture béante. Le steamer commença dès lors à s’élever plus difficilement à la lame, ses mouvements devinrent plus lourds. Enfin, après trois jours de lutte, le 11, à quatre heures du matin, le London reçut par l’arrière un coup de mer qui, défonçant quatre sabords, introduisit encore une énorme masse d’eau.

À partir de ce moment, tous les efforts devinrent inutiles, et, au point du jour, le capitaine Martin, dont la froide intrépidité ne s’était pas démentie un seul instant, entra dans la salle où les passagers s’étaient réfugiés, et, répondant aux questions que tous lui adressaient à la fois, il déclara qu’il ne restait plus rien à espérer des hommes.

Les paroles du capitaine furent reçues avec une surprenante résignation. Les passagers, l’équipage semblaient subir l’influence du capitaine, qui ne tentait rien pour le salut commun. Que n’essayait-on de former un radeau ? Vers une heure, le navire se trouvait enfoncé jusqu’à la hauteur des porte-haubans ; plus de doute : on coulait ; la chaloupe fut mise à la mer. À ce moment-là même, ce moyen de salut paraissait si précaire, que cinq des passagers, placés à portée d’en user, semblèrent préférer le triste refuge que leur offrait un bâtiment