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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/65

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LES AVENTURIERS DE LA MER


Grand tumulte sur le pont… la brume empêche de se voir. Les matelots vont et viennent, effrayés, à tâtons… Plus de gouvernail ! La manœuvre est impossible… La Sémillante, en dérive, file comme le vent… C’est à ce moment que le douanier la voit passer. Il est onze heures et demie… À l’avant de la frégate, on entend comme des coups de canon… Les brisants ! les brisants !… C’est fini, il n’y a plus d’espoir. On va droit à la côte… Le capitaine descend dans sa cabine… Au bout d’un moment, il vient reprendre sa place sur la dunette, en grand costume… Il a voulu se faire beau pour mourir.

« Dans l’entrepont, les soldats, anxieux, se regardent sans rien dire… Les malades essayent de se redresser. C’est alors que la porte s’ouvre et que l’aumônier paraît sur le seuil avec son étole : « : À genoux, mes enfants ! » Tout le monde obéit. D’une voix retentissante le prêtre commence la prière des agonisants.

« Soudain un choc formidable, un cri, un seul cri, un cri immense, des bras tendus, des mains qui se cramponnent, des regards effarés où la vision de la mort passe comme un éclair… Miséricorde ! »

Les corps relevés sur le rivage de la mer furent réunis dans un petit cimetière ouvert pour eux.

« Dieu ! qu’il est triste le cimetière de la Sémillante ! poursuit M. Alphonse Daudet. Je le vois encore avec sa petite muraille basse, sa porte de fer, rouillée, dure à ouvrir, sa chapelle silencieuse, et des centaines de croix noires cachées par l’herbe… Pas une couronne d’immortelles, pas un souvenir, rien… Ah ! les pauvres morts abandonnés, comme ils doivent avoir froid dans leur tombe de hasard ! »

Tout le monde a lu la relation de la perte de la goélette le Grafton et des aventures de M. Raynal dans les îles Auckland, situées à cent lieues marines au sud de la Nouvelle-Zélande (octobre 1864). Ce navire s’était rendu à ces îles pour la pêche du lion marin. Un orage qui s’éleva subitement dans la nuit, détermina son naufrage sur un récif. M. Raynal et ses compagnons prirent pied sur un rivage désolé, où ils allaient passer de longs jours dans l’attente de la délivrance.

Au mois de mars de la même année, un autre navire l’Invercauld, parti de Melbourne pour Valparaiso, avait été jeté dans une tempête contre un récif des mêmes îles. D’un équipage de vingt-cinq personnes, le capitaine, son second et un matelot purent seuls être sauvés par un brick espagnol, après douze mois de la plus triste existence.

En 1866, les îles Auckland virent un autre naufrage : celui du Général