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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/277

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reprit mon bon maître, pour croire à leur existence, qui est contraire aux enseignements de l’Église. Car on peut être séduit par des illusions. Les yeux et tous nos sens ne sont que des messagers d’erreurs et des courriers de mensonges. Ils nous abusent plus qu’ils ne nous instruisent. Ils ne nous apportent que des images incertaines et fugitives. La vérité leur échappe ; participant de son principe éternel, elle est invisible comme lui.

— Ah ! dit M. d’Astarac, je ne vous savais pas si philosophe ni d’un esprit si subtil.

— C’est vrai, répondit mon bon maître. Il est des jours où j’ai l’âme plus pesante et plus attachée au lit et à la table. Mais j’ai, cette nuit, cassé une bouteille sur la tête d’un publicain, et mes esprits en sont extraordinairement exaltés. Je me sens capable de dissiper les fantômes qui vous hantent et de souffler sur toute cette fumée. Car, enfin, monsieur, ces Sylphes ne sont que les vapeurs de votre cerveau.

M. d’Astarac l’arrêta par un geste doux et lui dit :

— Pardon ! monsieur l’abbé ; croyez-vous aux démons ?

— Je vous répondrai sans difficulté, dit