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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/258

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te où l’on mange, la planète de la faim. Les animaux y sont naturellement avides et féroces. Seul, le plus intelligent de tous, l’homme, est avare. L’avarice est jusqu’ici la première vertu des sociétés humaines et le chef-d’œuvre moral de la nature. Si je savais écrire, j’écrirais un éloge de l’avarice. A la vérité, ce ne serait pas un livre très nouveau. Les moralistes et les économistes l’ont fait cent fois. Les sociétés humaines ont pour fondement auguste l’avarice et la cruauté.

Dans les autres univers, dans ces mondes innombrables de l’éther, en est-il ainsi ? Toutes les étoiles que je vois éclairent-elles des hommes ? Est-ce qu’on mange, est-ce qu’on s’entre-dévore par l’infini ? Ce doute me trouble et je ne puis regarder sans effroi cette rosée de feu suspendue dans le ciel.

Mes pensées peu à peu se font plus douces et plus claires, et l’idée de la vie, dans sa sensualité tour à tour violente et suave, me redevient aimable. Je me dis que parfois la