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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/262

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n’est pas garnie de toutes les sottises qui encombrent la leur, si je n’ai pas, comme eux, la haine et la peur des idées, cela tient à une circonstance particulière de ma vie. Mon père, gros industriel et député conservateur, m’a donné, quand j’avais dix-sept ans, un jeune répétiteur timide et silencieux, qui avait l’air d’une fille. En me préparant au baccalauréat, il organisait la Révolution sociale en Europe. Il était d’une douceur charmante. On l’a beaucoup mis en prison. Il est maintenant député. Je lui copiais ses appels au prolétariat international. Il me fit lire toute la bibliothèque socialiste. Il m’enseigna des choses qui toutes n’étaient pas croyables ; mais il me fit ouvrir les yeux sur ce qui se passait autour de moi ; il me démontra que tout ce que notre société honore est méprisable et que tout ce qu’elle méprise est estimable. Il me poussait à la révolte. Je conclus au contraire de ses démonstrations qu’il faut respecter le mensonge