Aller au contenu

Page:Anatole France - Thaïs.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une voix claire, mêlée de souffles frais. Et, comme le saint homme résistait aux tentations qu’elle lui donnait, elle lui dit ceci :

— Aime-moi ; cède, ami. Tant que tu me résisteras, je te tourmenterai. Tu ne sais pas ce que c’est que la patience d’une morte. J’attendrai, s’il le faut, que tu sois mort. Étant magicienne, je saurai faire entrer dans ton corps sans vie un esprit qui l’animera de nouveau et qui ne me refusera pas ce que je t’aurai demandé en vain. Et songe, Paphnuce, à l’étrangeté de ta situation, quand ton âme bienheureuse verra du haut du ciel son propre corps se livrer au péché. Dieu, qui a promis de te rendre ce corps après le jugement dernier et la consommation des siècles, sera lui-même fort embarrassé ! Comment pourra-t-il installer dans la gloire céleste une forme humaine habitée par un diable et gardée par une sorcière ? Tu n’as pas songé à cette difficulté. Dieu non plus, peut-être. Entre nous, il n’est pas bien subtil. La plus simple magicienne le trompe aisément, et s’il n’avait ni son tonnerre, ni les cataractes du ciel, les marmots de village lui tireraient la barbe. Certes il n’a pas autant