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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/120

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Le mal n’est pas qu’on m’opprime au nom de Dieu et du bon plaisir, ou au nom de la société et du plébiscite, — c’est qu’on m’opprime.

Que le peuple nomme ses prétendus représentants par la voie du suffrage universel, ou qu’il soit gouverné par quelques privilégiés de la naissance ou de la fortune, — peu importe. Le Peuple n’en est pas moins à la merci de ces représentants, qui, élus ou non, du moment qu’ils entrent dans le Pouvoir et deviennent l’État, sont, par le fait, séparés du Peuple, en dehors du Peuple, au-dessus du Peuple, ennemis du Peuple.

Ce qui est mauvais, ce qu’il faut détruire, ou changer, si l’on préfère, ce n’est pas ceux qui auront charger de devenir l’État, d’agir et de gouverner en son nom, — c’est la conception de l’État, car vous aurez beau changer les hommes, modifier leur mode d’élection, les contraindre à mettre en tête de leurs actes : au nom du Peuple ! — Le Peuple n’en sera pas plus libre, le Peuple n’en sera pas moins la chose qu’on gouverne, et c’est là qu’est la plaie, non ailleurs.

L’État[1], quel qu’il soit, quel que nom qu’on lui donne, dictature d’un homme ou d’une assemblée, république ou monarchie, absolue ou constitutionnelle, ne peut être ni démocratique, ni révolutionnaire, ni même libéral, puisqu’il représente le Pouvoir, qui est despotique et réactionnaire par nécessité, par essence, ni personnifier la liberté, l’égalité, puisqu’il personnifie l’Autorité, quelque chose qui domine, qui régit, qui mène la société, par conséquent qui l’opprime et qui l’écrase, qui substitue sa volonté à la sienne,

  1. Voir, pour le développement et la démonstration de ces idées, l’État et la Révolution, par Arthur Arnould. (1 vol. in-8o. chez H. Kistemaeckers, libraire-éditeur).