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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/15

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blait véritablement, à ce moment, à un vaisseau battu de la tempête, au milieu d’une mer inconnue, semée d’écueils.

De quelque côté que l’on tournât les regards, nulle terre amie en vue. Partout l’image de la mort !

Nous étions seuls, bien seuls !

Lyon, Marseille, les autres grandes villes, après un effort tout à fait insuffisant, étaient rentrées sous le joug. Le reste n’avait pas même bougé, et les vingt millions de prolétaires, d’opprimés, dont nous avions arboré le drapeau, pour lesquels le peuple de Paris versait son sang à flots, depuis deux mois, aveuglés par l’ignorance, broyés par la centralisation, réduits à l’état de poussière humaine inconsciente, sans lien entre eux, sans organisation, restaient indifférents ou tout au moins immobiles, comme en une morne stupidité.

Quant au reste de l’Europe, inutile même d’y songer. La guerre allemande venait de nous prouver le niveau moral de la société européenne, encore enfouie dans le monarchisme, la religion de la force et la haine des races. Elle venait de nous apprendre quel fond on pouvait faire sur la solidarité des peuples et sur leur énergie révolutionnaire.

En Allemagne, deux hommes seuls avaient protesté contre la guerre.

Il n’y a décidément encore en Europe, à l’heure actuelle, qu’un seul peuple qui ait le sentiment distinct, profond, de la solidarité des peuples, c’est le peuple français. Des tyrans peuvent dévoyer sa politique, empoisonner son action, mais chaque fois qu’affranchi il agit par lui-même, sous sa seule inspiration, c’est pour l’humanité