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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/62

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d’ordre moral ou de salut public, s’opposaient à l’exécution du décret et menaçaient leurs locataires récalcitrants.[1] Il nous fallut donc, pendant plusieurs semaines, jouer le rôle de juges de paix, faire venir les parties dans notre cabinet, leur expliquer la nouvelle loi et veiller à son exécution stricte.

Je vois encore avec quel étonnement reconnaissant les pauvres apprenaient qu’il était bien vrai qu’on avait songé à eux, et que, pour la première fois, ils allaient trouver un appui réel auprès des agents du Pouvoir. Cet étonnement était, certes, la satire la plus éloquente et la plus cruelle qu’on pût faire de l’ancien état social, redevenu l’état actuel. Le malheureux est tellement habitué à trouver une ennemie dans la loi, il est tellement convaincu qu’il aura tort, toujours tort, dans sa lutte contre les privilégiés, il est si bien accoutumé à être broyé sans pitié par les prétentions et l’omnipotence sans entrailles des gros écus, qu’il ne comprend pas, d’abord, qu’il en soit autrement.

Que de fois, j’ai eu des conversations dans le genre de celle-ci.

Une femme demandait à parler au membre de la Commune. Elle entrait timidement, inquiète, habillée de ses vêtements les plus propres, souvent en deuil. Elle attendait d’être seule pour s’expliquer.

— Citoyen, disait-elle alors, est-il vrai que je puisse déménager et emporter mes meubles, sans payer les termes en retard de mon loyer ?

  1. Ces menaces ne durent pas être toutes vaines, car sur les 300, 000 dénonciations adressées en quelques jours à la police, après l’entrée des Versaillais, plus d’une fut l’œuvre, sans doute, de certains propriétaires contre les locataires qui avaient bénéficié, en déménageant, du décret de la Commune.