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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/71

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son de la grande Cité. Aussi, loin de procéder aux enterrements de ses morts, la nuit, en cachette, elle les promena au grand soleil, à travers les rues populeuses de la capitale, leur rendant, avec une ostentation pleine de grandeur, un dernier hommage qui était en même temps une suprême protestation contre la prodigalité barbare avec laquelle les champions du passé versaient le sang le plus généreux de la France.

C’était bien connaître le peuple de Paris, d’ailleurs, que de lui parler ce langage héroïque, et la vue de ces longues files de corbillards, qui aurait découragé toute autre agglomération humaine dans les circonstances ordinaires, haussait les cœurs à la grandeur de la tâche.

Pendant deux mois, ce fut la seule vengeance, la seule représaille de la Commune de tremper ses mains dans son propre sang et de les agiter vers le ciel, comme pour prendre l’univers à témoin de la barbarie de ses ennemis, et appeler l’attention de l’histoire sur le contraste de ce peuple voué aux furies de la réaction, et qui, de tous les droits de la guerre, n’acceptait que celui de mourir en défendant la justice pour tous.

Pendant deux mois, elle exposa aux yeux de la foule, les cadavres de ses enfants, en lui disant fièrement :

— Compte tes martyrs. Ils ont fait leur devoir, imite-les !

Et ce langage fut écouté, compris, et tous ces hommes qui se découvraient, toutes ces femmes qui s’inclinaient devant le spectacle de la mort, n’en ressentaient ni peur, ni défaillance. On ne leur cachait point le danger. On l’étalait sous