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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/76

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nationaux de l’escorte se détacha sans bruit, et, d’un revers de mains, froidement, jeta le chapeau de cet homme dans le ruisseau.

Je vois encore les trois bières couchées fraternellement l’une à côté de l’autre dans la grande fosse, les parents, les amis, les gardes nationaux, venant y déposer des couronnes, les couvrant d’une pluie d’immortelles.

Ce sont des privilégiés, ceux-là ! Qui les aime sait où trouver leur tombe, et ils sont morts croyant à la victoire.

Je ne citerai qu’un autre enterrement. Ce fut celui d’un artilleur.

Quand j’arrivai au lieu de réunion, — j’étais seul, ce jour-là, — je trouvai derrière la bière trois petits enfants, l’aîné pouvait avoir dix ans, se tenant par la main, et une veuve jeune encore, qu’on avait peine à soutenir, tant le désespoir l’avait brisée. Je la fis monter dans la voiture qui m’avait amené, car ses forces ne lui auraient pas permis de suivre le convoi.

C’était vers le milieu du mois de mai. Déjà l’atroce réalité de la défaite devenait évidente. Déjà l’on pouvait prévoir que toutes ces hécatombes humaines prolongeaient l’agonie de Paris, impuissantes à le sauver désormais. Déjà je ne pouvais plus entendre le tambour, voir défiler les bataillons, sans me demander ce qu’allaient devenir ces hommes, sans être saisi d’horreur et de désespoir à la vision du sort préparé pour eux. Déjà l’on pressentait que la mort planait sur toutes ces têtes où vivait la Révolution.

Sous l’empire de ces diverses émotions, j’improvisai devant cette tombe un discours qui peut se résumer ainsi :

« Jusqu’à présent, citoyens, vous avez com-