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Page:Audibert Histoire et roman 1834.djvu/264

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j’ai été applaudi de mon temps : voilà tout. Chaque génération, en passant, n’aura pas sous ses yeux quelque production qui lui permette de ratifier le jugement de mes contemporains. Je n’ai pas, comme le sculpteur, le bronze ou le marbre pour éterniser ma pensée. Je n’ai pas, comme le poëte ou le peintre, l’imprimerie et la toile pour perpétuer les enfantemens de mon intelligence. Oh ! que je les envie ! qu’une simple feuille de papier, dépositaire à tout jamais de quelques beaux vers, de quelques profondes pensées, est préférable à ce théâtre où chaque soir j’écris, où tout s’efface aussitôt. Je n’entre jamais dans ma bibliothèque sans que mon cœur soit navré. Dans tous les siècles les hommes ont cherché à se survivre. Ce peuple si industrieux, les Égyptiens, nous ont légué leurs corps soigneusement embaumés ; nous, peuples modernes, supérieurs à l’Égypte, nous sommes parvenus à embaumer notre génie : ce sont de miraculeuses momies que nos livres ! L’âme ne périt pas, mais rien ne restait après elle pour constater son passage sur la terre. Maintenant elle laisse