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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/187

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crédules que la vérité a rencontrés depuis l’avènement du Christ jusqu’à nos jours.

15. Cependant, depuis le commencement du genre humain, il n’a jamais manqué d’être annoncé par les prophètes, avec plus ou moins de lumière selon les temps, et avant son incarnation il ya toujours eu des hommes qui ont cru en lui, depuis Adam jusqu’à Moïse, non-seulement parmi le peuple d’Israël qui, par un mystère particulier, a été une nation prophétique, mais encore parmi les autres nations. En effet, dans les saints livres des Hébreux, on en cite quelques-uns à qui Dieu fit part de ce mystère ; ce fut dès le temps d’Abraham, et ces privilégiés n’appartenaient ni à sa race, ni au peuple d’Israël, et ne tenaient en rien au peuple élu pourquoi donc ne croirions-nous pas qu’il y eut d’autres privilégiés chez d’autres peuples et en d’autres pays, quoique l’autorité de ces livres ne nous en ait pas transmis le souvenir ? C’est pourquoi le salut de cette religion, seule véritable et seule capable de promettre le vrai salut, n’a jamais manqué à quiconque en a été digne et n’a manqué qu’à celui qui ne le méritait pas (1) ; et depuis le commencement de la race humaine jusqu’à la fin des temps, elle a été et sera prêchée aux uns pour leur récompense, aux autres pour leur condamnation. Il en est à qui Dieu n’en a rien révélé, mais il prévoyait que ceux-là ne croiraient pas, et ceux à qui la religion a été annoncée quoiqu’ils ne dussent pas croire, ont servi d’exemple aux autres : mais quant aux hommes à qui elle est annoncée et qui doivent croire, leur place est marquée dans le royaume des cieux et dans la société des saints anges. TROISIÈME QUESTION. Sur la différence des sacrifices. Voyons maintenant la question suivante : 16. « Les chrétiens, dit notre païen, condamnent les cérémonies des sacrifices, les victimes, l’encens et tout ce qui se pratique dans les temples ; tandis que le même culte a commencé, dès les temps anciens, par eux ou par le Dieu qu’ils adorent, et que ce Dieu a eu besoin des prémices de la terre. »

17. Voici notre réponse : 1. Nous trouvons une explication de ce passage dans le livre de la prédestination, chapitre X : « Si en demande, dit saint Augustin, comment on peut se rendre digne, il ne manque pas de gens qui répondent que c’est par la volonté humaine ; nous disons, nous, que c’est par la grâce ou la prédestination divine. » Ce qui a donné lieu à cette question, c’est le passage de nos Écritures où il est dit que Caïn offrit à Dieu des fruits de la terre et Abel les prémices de son troupeau[1] ; ce qu’il faut comprendre ici, c’est la haute antiquité du sacrifice qui, d’après les saintes et infaillibles Écritures, ne doit être offert qu’au seul Dieu véritable ; non pas que Dieu en ait besoin, car il est écrit très-clairement dans les mêmes livres : « J’ai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu, parce que vous n’avez aucun besoin de mes biens ; » mais quand il les accepte, les rejette ou les tolère, il n’a en vue que l’intérêt des hommes. Car c’est à nous, et non à Dieu que profite le culte que nous lui rendons. Ainsi lorsqu’il nous inspire et qu’il nous apprend à l’adorer, il ne le fait pas parce qu’il a besoin de nos hommages, il le fait pour notre plus grand bien. Or, tous ces sacrifices sont figuratifs et ils doivent nous inviter à rechercher, à connaître ou à nous rappeler les choses dont ils retracent les images. Il nous faut être court, et l’espace.nous manquerait ici pour traiter ce sujet avec une convenable étendue ; mais nous avons beaucoup parlé sur ce point dans d’autres ouvrages[2], et ceux qui nous ont précédé dans l’interprétation des saintes Écritures ont abondamment parlé des sacrifices de l’Ancien Testament comme étant les ombres et les figures de l’avenir.

18. Ici néanmoins, quelque intention que nous ayons d’être court, nous devons faire remarquer que jamais les faux dieux, c’est-à-dire les démons ou les anges prévaricateurs, n’auraient demandé des temples, des prêtres, des sacrifices et ce qui s’y rapporte, s’ils n’avaient su que ces choses appartiennent au seul Dieu véritable. Quand ce culte est rendu à Dieu selon ses inspirations et sa doctrine, c’est la vraie religion ; quand il est rendu aux démons qui l’exigent dans leur orgueil impie, c’est une coupable superstition. C’est pourquoi ceux qui connaissent les livres chrétiens de l’Ancien et du Nouveau Testament ne reprochent aux païens ni la construction des temples, ni l’institution du sacerdoce, ni la célébration des sacrifices ; mais ils leur reprochent de consacrer tout cela aux idoles et aux démons. Et qui doute que tout sentiment manque aux idoles ? Cependant, lorsque ces idoles occupent les

  1. Gen. IV, 3, 4.
  2. Ps. XV, 1.