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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/225

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j’ai pu interroger, ou qui, d’eux-mêmes, ont parlé de vous, ont, d’une commune voix, constamment et sans le moindre désaccord, loué, exalté la pureté et la fermeté de votre administration ; leur hommage était pour moi d’autant plus sincère, qu’ils ignoraient notre amitié et ne savaient même pas que je vous connusse : ils ne parlaient donc pas ainsi pour charmer mes oreilles, mais pour publier la vérité ; car la louange est sincère là où le blâme serait sans péril. Cependant, ô mon cher et illustre frère, je ne veux pas vous apprendre ici, mais je dois peut-être vous rappeler qu’on ne doit pas se réjouir de cette bonne et glorieuse renommée quand elle est dans la bouche du peuple : il faut qu’elle soit dans les choses elles-mêmes. Lors même, qu’elles déplairaient au vulgaire, les bonnes choses n’en garderaient pas moins leur éclat et leur prix : elles ne tirent pas leur valeur de l’estime des ignorants. On doit plaindre bien plus celui qui les blâme que celui qui serait blâmé à cause d’elles. S’il arrive que le bien plaît aux hommes et reçoit les louanges qui lui sont dues, il ne devient ni plus grand, ni meilleur parle, jugement d’autrui : il repose sur le fond même de la vérité, et tire sa force de la force même de la conscience. Aussi une saine et droite appréciation profite bien plus à l’homme qui en est l’auteur qu’à celui qui en est l’objet.

3. Tout ceci vous étant connu, homme excellent, tournez-vous, comme vous avez déjà commencé à, le faire, tournez-vous, de toute la force de votre cœur vers Notre-Seigneur Jésus-Christ ; vous dépouillant entièrement de tout le faste de la vanité humaine, élevez-vous vers Celui qui réserve des grandeurs solides aux âmes qui le cherchent ; elles marchent d’un pas certain, et montent dans les chemins de la foi, et, il les place au faîte éternel d’une gloire céleste et angélique. Je vous, conjure en son nom, de me répondre, et d’exhorter doucement et bénignement tous vos hommes des pays de Sinit et d’Hippone à rentrer dans la communion de l’Église catholique. J’ai su que vous aviez ramené dans son sein votre honorable et illustre père, et c’est ainsi que vous l’avez engendré spirituellement ; je vous demande de le saluer, de ma part avec tout le respect qui lui est dû ; daignez aussi venir nous visiter. Comme il s’agit également, de rendre meilleur auprès de Dieu ce que vous avez ici, ma demande n’est pas inexcusable. Que la miséricorde de Dieu s’étende sur vous et vous préserve de toute faute. 

LETTRE CXIII.


(Année 410.)

Il s’agit ici de l’ancien droit d’asile dans l’Église et de la législation relative aux prisonniers pour dettes. Quel est ce Cresconius à qui la lettre est adressée ? Nous l’ignorons. On a pensé que c’était un tribun chargé de la garde des côtes, parce que, dans la CXVe lettre, il est question d’un tribun préposé au même emploi. Mais il nous semble que des fonctions de ce genre ne sont pas assez élevées pour que saint Augustin donne le titre d’Excellence (Eximietas tua) à celui qui en est chargé.

AUGUSTIN A SON CHER, HONORABLE ET AIMABLE SEIGNEUR ET FRÈRE CRESCONIUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

Si je me taisais sur l’affaire pour laquelle j’écris aujourd’hui une seconde fois à votre religion, non-seulement Votre Excellence me le reprocherait, mais je recevrais aussi les justes reproches de celui, quel qu’il soit, au profit de qui on a enlevé Faventius ; car il aurait le droit de penser que je le laisserais dans le besoin et dans la peine, dans le cas où me aurait – en vain demandé à l’Église un asile protecteur. Et, sans tenir compte du jugement des hommes, que dirai-je au Seigneur notre Dieu, qu’aurai-je à lui répondre, si je ne fais pas tout ce que je puis pour le salut d’un homme qui a imploré le secours de l’Église que je sers, ô bien-aimé seigneur et honorable fils ? Il est difficile et peu croyable que vous ne connaissiez pas déjà ou que vous ne puissiez connaître l’affaire pour laquelle Faventius est détenu ; je prie donc votre bienveillance d’appuyer ma demande auprès de l’appariteur qui le garde, pour qu’il se conforme, à son égard, à la prescription de la loi impériale. Qu’il lui fasse demander devant l’autorité municipale s’il veut qu’on lui accorde un délai de trente jours, pendant lesquels, sous une surveillance qui n’a rien de rigoureux, il pourra s’occuper de ses intérêts dans la ville où il est prisonnier et pourvoir au règlement de ses comptes. Durant cet espace de temps, si, aidé de votre bienveillance, nous pouvons finir cette affaire à l’amiable, nous nous en féliciterons ; mais si nous ne le pouvons pas, les choses, tourneront comme il plaira à Dieu, selon le mérite de la cause elle-même ou selon la volonté du Seigneur tout-puissant.