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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/18

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jongleur errant du château à la place publique, de l’hôtellerie au couvent, colportait par le monde, à ses risques et périls, les médisances et les hardiesses. On pouvait l’arrêter, le jeter dans un cul de basse fosse, étouffer la voix avec l’homme et tout était fini. Mais avec l’imprimerie on a beau condamner au feu l’ouvrage et l’auteur, le livre proscrit renaît de ses cendres comme le phénix. Il dure, il voyage, il pullule : un seul exemplaire en produira des milliers. La formidable machine, toujours haletante, vomit sa mitraille à travers la mêlée des partis : puissance terrible contre laquelle tous les limiers de la police, du Parlement et de l’Inquisition useront en vain leurs yeux et leurs dents. Tandis que l’industrie moderne perfectionne avec les armes à feu le grand art de tuer ses semblables, la presse multiplie les formes militantes de la pensée. Elle engendre le pamphlet, produit éphémère de la médisance et de la haine, qui glisse dans l’air et frappe à l’improviste comme une balle ou un stylet ; puis le placard, impudent moniteur de carrefour, qui affiche et crie le scandale au coin des rues, à la porte des églises ; puis la gravure, sœur et complice du pamphlet, rendant visible aux yeux les mauvais bruits qui bourdonnent à l’oreille. On comprend l’étonnement, la fureur des hommes du passé, contre cet infernal agent de propagande. »

Mais il ne sert à rien de dresser des barrières et d’accumuler les obstacles : les doctrines de Luther et de Calvin se répandent dans toute la France et pénètrent même dans l’Université. La Sorbonne, sur les infatigables dénonciations d’un de ses plus fougueux docteurs, Noël Béda, censure les écrits d’Érasme et arrête la circulation des livres suspects. Le Parlement allume des bûchers, sur lesquels on fait brûler Berquin, Estienne Dolet et bien d’autres victimes illustres. Il semble que les hérétiques vont se multipliant avec les supplices et que l’hérésie prend de nouvelles forces avec les persécutions.

Des premières luttes religieuses et des règnes de François Ier et de Henri II datent les premières mesures rigoureuses contre la liberté de l’imprimerie et de la presse.

À un moment donné, en 1533, la Sorbonne affolée propose au roi,