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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/133

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Mais même en latin, il avait voulu éviter toute affaire avec le Cammergericht.

Son audace allait donc jusqu’à se proclamer « bentleien », parce que, soixante-dix-sept ans après la revision des fameux procès, il n’y avait plus d’ « antibentleien » dans le monde savant : même en Prusse, on pouvait prêcher le bentléisme. Devant ses étudiants de 1799, Wolf devait célébrer bien haut la sagacité de cet homme et railler la sottise vraiment novatrice de ces défenseurs de l’antiquité qui, dans les Lettres de Phalaris, croyaient jadis posséder une relique du tyran sicilien. Wolf pouvait répéter, après Bentley, l’histoire du vieux vicaire ignare qui, n’ayant jamais lu son bréviaire que dans un manuscrit fautif, s’obstinait à dire mumpsimus au lieu de sumpsimus et ne voyait pas, en sa simple religion, pourquoi l’on changerait sa bonne vieille lecture contre la nouveauté d’autrui... Wolf pouvait aller jusqu’à ces plaisanteries d’école ; mais non pas au delà. Encore n’osait-il les redire qu’en 1799 (Frédéric-Guillaume II étant mort), quand le succès de ses Prolégomènes avait fait de lui une sorte de héros national, et ce n’est pas au seul Bentley qu’il pensait alors, quand il ajoutait pour l’édification de ses étudiants : « L’histoire des lettres et des arts nous montre très souvent comment les doctrines les plus fortes de nombreuses générations sont renversées, ruinées jusqu’au sol, par la sagacité et le travail d’un seul génie souverain[1]... »

Si Wolf eût écrit ses Prolégomènes au temps du

  1. Kleine Schriften, I, p. 99 : en disputatione id assecutus est, vir sagacissimus, R. Bentleius, ut, quod paucis sui temporis eruditis persuadere posset, caeco partim studio in transversum abreptis, centum post annos nemo non concedat paulo politior, planeque appareat satis novum esse eorum imperitium qui in istis epistolis priscum tyrannum sibi legere viderentur.... ; itaque litterarum et artium historia docet evenisse saepius ut validissima plurium aetatum commenta unius praecellentis ingenii cura ac sagacitas convellerit funditusque deleverit.