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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/134

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grand Frédéric, il est possible qu’il les eût écrits en allemand, qu’il eût rendu pleine justice à d’Aubignac et que, même, il se fût targué d’être le continuateur, le disciple de ce Français de génie, pour le renversement jusqu’au sol de la vieille superstition homérique. S’il les eût encore écrits avant 1793, il est probable qu’il eût traduit tout d’Aubignac en latin, avec plus d’exactitude, sans peut-être le louer ni le nommer davantage.

Mais Wolf écrivait en 1795. Aussi mettait-il une bonne part de ses efforts et de sa sagacité à jeter un voile épais sur les pensées qu’il empruntait au révolutionnaire des Conjectures et, se flattant de n’avoir rien concédé à la nouveauté de la pensée, sententiae novitati, il vantait bien haut, sans qu’on le lui demandât, cette tyrannie des Pisistratides qui avait été si salutaire au peuple d’Athènes, illa Athenis saluberrima tyrannide[1] : un sujet, un fonctionnaire de Frédéric-Guillaume II devait haïr régicides et tyrannicides, Conventionnels et Harmodios.

Wolf a si bien « voilé » sa pensée qu’apologistes et adversaires déclarent ne pas la découvrir aisément : « Wolf, dit Alexis Pierron, insinue plus qu’il n’affirme... ; on est réduit à se faire proprio marte une formule nette du système. » Pierron, sans le savoir, reproduisait, presque mot pour mot, une phrase encore inédite de Wolf dans une lettre au fidèle Böttiger : « Quelquefois je fais signe plus que je ne parle, da ich zuweilen mehr zuwinke als spreche[2]. » Les signes de Wolf sont si discrets ou si contradictoires que ses

  1. Chap. xxxiv, p. 153.
  2. Cf. W. Peters, Zur Geschichte, p. 14.