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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/12

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ventres, avec un joli nombril qui riait au milieu ; de profil, il poussait une bosse dure à toucher, et qui, sous le doigt, s’enfonçait pour aussitôt reparaître.

Depuis quinze jours, cette bosse avait grossi ; dans quinze jours elle aurait pris le double, ensuite elle grossirait davantage, soulèverait le corset, la jupe et alors… Alors, pour ne plus voir, on rabat la chemise, on souffle la bougie et c’est comme dans toutes les mansardes où les jeunes filles, avant de se coucher, ont éteint leur lumière.

Pourtant la bosse reste et, avec elle, l’inquiétude.

Ce qu’il adviendrait, Marie le savait bien. Un jour, Mère lui dirait : « Mais Marie, qu’avez-vous donc ? » Ou bien ce serait Père, avec des mots durs et des gifles. De cela, Marie n’en voulait pas. Ses parents, elle les quitterait plutôt ; elle leur inventerait une histoire, oh non ! pas pour mentir, mais parce que chagriner Mère lui ferait de la peine, parce qu’elle avait peur aussi des réprimandes de Père dont l’indignation marchait avec une canne.

Marie était douillette des reins et de cœur sensible. Elle avait vingt-deux ans, une jolie taille svelte, une peau soyeuse d’un blanc lumineux. Elle s’aimait dans son corps, parce que son corps était doux. Elle coiffait ses cheveux en bandeaux, comme on les coiffe au pays, mais eût préféré des frisettes, si son père l’avait permis. Il ne manquait à ses joues qu’un peu de rose et de chair. Ses yeux riaient doux. Même quand elle pleurait, ses lèvres semblaient arrondir un baiser, toujours prêt à tomber ;