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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/64

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sourire. Ses yeux souriaient aussi : des yeux gris qui vous prenaient, où je me sentais en confiance.

Je m’attachai bientôt à sa femme, quoique d’une façon différente. Elle m’effrayait un peu. Comment expliquer cela ? Elle était plus jeune que l’oncle. Plus jeune que maman. Aussi jeune que la soubrette du goinfre. Et de celle-ci, quand je ne me débattais pas dans mes scrupules, je commençais à comprendre qu’elle était jolie. La bouche petite, les joues très fines avec une singulière saillie aux pommettes, quand je la regardais au visage, elle était une fillette, une compagne avec laquelle j’eusse joué volontiers et qu’un Marcel de mon âge domine. Mais les hanches, la poitrine étaient d’une vraie femme et aussitôt Marcel se rencoignait à sa place de petit garçon timide devant une si grande personne. Ses yeux aussi m’inquiétaient : des yeux tirés vers le haut, très grands, qui vous enfonçaient deux pointes noires et se faisaient tout à coup vagues, presque tristes. Je préférais ces yeux-là. Elle les avait quand, par exemple, elle réfléchissait ou se croyait seule. Que de fois, je me suis dissimulé, afin de les regarder à mon aise. On aurait dit alors qu’il venait un rien de bleu dans leur noir.