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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/65

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Puisqu’il y avait « mon oncle », les premiers jours, je l’appelai tout naturellement : « tante ». Je me mis en tête qu’elle n’aimait pas ce nom… Dire « Varia » tout court, je n’osais pas et quand je prononçais directement « elle » ou « vous », c’était grossier ; je trébuchais dans ma phrase. Cela me rendait très gauche.

De plus, il y avait son sourire. Peut-être provenait-il d’un creux aux coins de sa bouche. Il m’effarait. Comme tous les enfants, je me croyais au centre du monde. Si tante souriait, c’était à cause de moi ; son sourire ne pouvait signifier que deux choses : ou de la bienveillance ou de la moquerie. Je ne méritais pas sa bienveillance, et puisque je bafouillais devant elle, je me décidai pour la moquerie. Cette idée dans ma tête, je devins encore plus gauche.

Un jour, tante m’emmena dans le jardin, vers un cerisier plus rouge que vert tant il y pendait de fruits. Je m’imaginai qu’elle en cueillerait quelques-uns, que l’on se partagerait à table, parcimonieusement ainsi que cela se faisait à la maison. Une chèvre bêlait vers nous. D’un bond, tante attrapa une branche, la cassa, la tendit telle quelle à la chèvre qui brouta les fruits en dédaignant les feuilles. Comme tante était généreuse ! Je pensai aux