Aller au contenu

Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regards de papa. Quels éclairs quand il m’arrivait de mettre en bouche deux cerises à la fois ! En ce moment le soleil se couchait. Tenant toujours sa branche, tante se cambrait sur ce ciel tout en or ; son regard me parut d’un bleu très doux. Il n’y eut plus de chèvre, plus de gamine, plus de femme. Une fée, une reine, une Vierge et comme devant une chose très belle, je criai :

— Oh !

Elle eut son sourire :

— Qu’as-tu petit ?

Je bafouillai n’importe quoi. Par la suite, quand je pensais à elle, je la voyais ainsi. Je n’en fus que plus gauche.

Le jour, à cause du soleil, on fermait les volets. Le soir, on sortait des chaises et l’oncle racontait des histoires. Je connaissais les âmes, les isbas, les boyards. Il y eut les ours. Ah ! ces histoires d’ours ! Je me cherche, il n’est pas inutile d’en raconter quelques-unes. Car toute graine pousse son germe. L’oncle, à mon avis, racontait très bien. Il faisait beaucoup de gestes. Il imitait l’ours à la perfection. Il présentait d’abord ses personnages : la bise « qui ne ressemble pas au mistral », la neige, quelques isbas, les hommes dans la leur, l’ours dans la sienne :

— Et cet ours, mon petit n’est pas un