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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/155

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— Comme la mer se relire, — pensa-t-elle, — il sera probablement du côté de notre niche bien-aimée. »

Elle désignait par là un creux de rocher dans le bas de la montagne, où ils avaient ensemble passé bien des heures. Ils y venaient voir la mer quand elle se retire après le plein, comme un grand filet qu’on reploie. Ils y étaient à l’abri du vent et de la pluie. La roche y formait des sièges grossiers, sculptures naturelles où ils s’asseyaient pour causer et lire ; Hermangarde pour travailler à quelque ouvrage de broderie, tandis que Marigny abattait à coups de fusil les goélands et les mouettes, que ses chiens allaient chercher au loin dans le flot. Cet angle profond, leur niche, était précisément placé au coude que formait la falaise, au-dessous de la Vigie. Au moment où Hermangarde arrivait de ce côté, son regard errant fut attiré par le rouge, au soleil, de la robe d’une femme qui parut toute droite, dans l’embrasure de deux créneaux, le dos tourné à l’abîme, comme si elle eût eu peur, tout en l’affrontant. Presque au même instant, les bras d’un homme entourèrent cette femme et deux têtes disparurent derrière les créneaux. De si loin, elle ne pouvait juger quelle était cette robe rouge, mais de quelle distance n’eût-elle pas reconnu Ryno ?