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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/351

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— Si ce n’est que cha, — répliqua le mendiant, qui, ce soir-là, était bon compagnon, — bougez-vous de d’là et vous en venez ! C’est aujourd’hui la veille de la Saint-Jean, le plus long jour de toute l’année ; j’avons le temps de siffler un pot ou deux, et même un coup de gin par-dessus, avant la nuit close. Quoiqu’j’aie tout le chemin de Sortôville à faire, mes quilles ne sont pas tellement lasses qu’j’ne puisse b’en vous reconduire jusqu’au petit pont. Une vieille chouette comme mai ne craint guères de s’attarder en route et marche aussi b’en de nuit que de jour.

— Tope donc ! » dit Griffon, qui se leva de ses marches. Et ils prirent le chemin du Bas-Hamet, en coupant diagonalement la grève pour arriver plus vite au cabaret de la Butte. Le soleil avait disparu dans les flots. Leur miroir, lisse comme un bassin, changeait ses reflets d’or en couleurs violettes qui s’évanouissaient à leur tour dans la couleur accoutumée de cette mer, verte, le soir, comme une prairie. Le plein était superbe et silencieux. Le vent d’ouest n’apportait dans l’étendue que le chant monotone des vachères qui revenaient de traire ou qui y allaient, du côté des terres de Barneville. Arrivés à un petit bras de mer, oublié par le reflux, comme il y en avait tant sur ces grèves, ils ôtèrent leurs chaussures et passèrent à gué,